Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/155

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Le lendemain matin, à son lever, Corentin se présenta pour voir Marie, qui lui permit d’entrer.

— Francine, dit-elle, mon malheur est donc immense, la vue de Corentin ne m’est pas trop désagréable.

Néanmoins, en revoyant cet homme, elle éprouva pour la millième fois une répugnance instinctive que deux ans de connaissance n’avaient pu adoucir.

— Eh ! bien, dit-il en souriant, j’ai cru à la réussite. Ce n’était donc pas lui que vous teniez ?

— Corentin, répondit-elle avec une lente expression de douleur, ne me parlez de cette affaire que quand j’en parlerai moi-même.

Cet homme se promena dans la chambre et jeta sur mademoiselle de Verneuil des regards obliques, en essayant de deviner les pensées secrètes de cette singulière fille, dont le coup d’œil avait assez de portée pour déconcerter, par instants, les hommes les plus habiles.

— J’ai prévu cet échec, reprit-il après un moment de silence. S’il vous plaisait d’établir votre quartier général dans cette ville, j’ai déjà pris des informations. Nous sommes au cœur de la chouannerie. Voulez-vous y rester ? Elle répondit par un signe de tête affirmatif qui donna lieu à Corentin d’établir des conjectures, en partie vraies, sur les événements de la veille. — J’ai loué pour vous une maison nationale invendue. Ils sont bien peu avancés dans ce pays-ci. Personne n’a osé acheter cette baraque, parce qu’elle appartient à un émigré qui passe pour brutal. Elle est située auprès de l’église Saint-Léonard ; et ma paole d’hôneur, on y jouit d’une vue ravissante. On peut tirer parti de ce chenil, il est logeable, voulez-vous y venir ?

— À l’instant, s’écria-t-elle.

— Mais il me faut encore quelques heures pour y mettre de l’ordre et de la propreté, afin que vous y trouviez tout à votre goût.

— Qu’importe, dit-elle, j’habiterais un cloître, une prison sans peine. Néanmoins, faites en sorte que, ce soir, je puisse y reposer dans la plus profonde solitude. Allez, laissez-moi. Votre présence m’est insupportable. Je veux rester seule avec Francine, je m’entendrai mieux avec elle qu’avec moi-même peut-être… Adieu. Allez ! allez donc.

Ces paroles, prononcées avec volubilité, et tour à tour empreintes