Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/225

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pour mériter la main de mademoiselle d’Uxelles, alliance pour laquelle Sa Majesté lui a promis tout son appui.

— Ah ! ah !…

Mademoiselle de Verneuil n’ajouta pas un mot à cette railleuse exclamation. Le jeune et beau chevalier du Vissard, impatient de se faire pardonner la plaisanterie qui avait donné le signal des injures à la Vivetière, s’avança vers elle en l’invitant respectueusement à danser, elle lui tendit la main et s’élança pour prendre place au quadrille où figurait madame du Gua. La mise de ces femmes dont les toilettes rappelaient les modes de la cour exilée, qui toutes avaient de la poudre ou les cheveux crêpés, sembla ridicule aussitôt qu’on put la comparer au costume à la fois élégant, riche et sévère que la mode autorisait mademoiselle de Verneuil à porter, qui fut proscrit à haute voix, mais envié in petto par les femmes. Les hommes ne se lassaient pas d’admirer la beauté d’une chevelure naturelle, et les détails d’un ajustement dont la grâce était toute dans celle des proportions qu’il révélait.

En ce moment le marquis et le comte rentrèrent dans la salle de bal et arrivèrent derrière mademoiselle de Verneuil qui ne se retourna pas. Si une glace, placée vis-à-vis d’elle, ne lui eût pas appris la présence du marquis, elle l’eût devinée par la contenance de madame du Gua qui cachait mal, sous un air indifférent en apparence, l’impatience avec laquelle elle attendait la lutte qui, tôt ou tard, devait se déclarer entre les deux amants. Quoique le marquis s’entretînt avec le comte et deux autres personnes, il put néanmoins entendre les propos des cavaliers et des danseuses qui, selon les caprices de la contredanse, venaient occuper momentanément la place de mademoiselle de Verneuil et de ses voisins.

— Oh ! mon Dieu, oui, madame, elle est venue seule, disait l’un.

— Il faut être bien hardie, répondit la danseuse.

— Mais si j’étais habillée ainsi, je me croirais nue, dit une autre dame.

— Oh ! ce n’est pas un costume décent, répliquait le cavalier, mais elle est si belle, et il lui va si bien !

— Voyez, je suis honteuse pour elle de la perfection de sa danse. Ne trouvez-vous pas qu’elle a tout à fait l’air d’une fille d’Opéra ? répliqua la dame jalouse.

— Croyez-vous qu’elle vienne ici pour traiter au nom du premier Consul ? demandait une troisième dame.