Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/285

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Les Chouans sont ici, cria Corentin dans l’oreille de Hulot.

— Impossible, mais tant mieux ! s’écria le commandant tout endormi qu’il était, au moins l’on se battra.

Lorsque Hulot arriva sur la Promenade, Corentin lui montra dans l’ombre la singulière position occupée par les Chouans.

— Ils auront trompé ou étouffé les sentinelles que j’ai placées entre l’escalier de la Reine et le château, s’écria le commandant. Ah ! quel tonnerre de brouillard. Mais patience ! je vais envoyer, au pied du rocher, une cinquantaine d’hommes, sous la conduite d’un lieutenant. Il ne faut pas les attaquer là, car ces animaux-là sont si durs qu’ils se laisseraient rouler jusqu’en bas du précipice comme des pierres sans se casser un membre.

La cloche fêlée du beffroi sonna deux heures lorsque le commandant revint sur la Promenade, après avoir pris les précautions militaires les plus sévères, afin de se saisir des Chouans commandés par Marche-à-terre. En ce moment, tous les postes ayant été doublés, la maison de mademoiselle de Verneuil était devenue le centre d’une petite armée. Le commandant trouva Corentin absorbé dans la contemplation de la fenêtre qui dominait la tour du Papegaut.

— Citoyen, lui dit Hulot, je crois que le ci-devant nous embête, car rien n’a encore bougé.

— Il est là, s’écria Corentin en montrant la fenêtre. J’ai vu l’ombre d’un homme sur les rideaux ! Je ne comprends pas ce qu’est devenu mon petit gars. Ils l’auront tué ou séduit. Tiens, commandant, vois-tu ? Voici un homme ! marchons !

— Je n’irai pas le saisir au lit, tonnerre de Dieu ! Il sortira, s’il est entré ; Gudin ne le manquera pas, s’écria Hulot, qui avait ses raisons pour attendre.

— Allons, commandant, je t’enjoins, au nom de la loi, de marcher à l’instant sur cette maison.

— Tu es encore un joli coco pour vouloir me faire aller.

Sans s’émouvoir de la colère du commandant, Corentin lui dit froidement : — Tu m’obéiras ! Voici un ordre en bonne forme, signe du ministre de la guerre, qui t’y forcera, reprit-il, en tirant de sa poche un papier. Est-ce que tu t’imagines que nous sommes assez simples pour laisser cette fille agir comme elle l’entend. C’est la guerre civile que nous étouffons, et la grandeur du résultat absout la petitesse des moyens.

— Je prends la liberté, citoyen, de t’envoyer faire… tu me com-