Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/337

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tournant vers Genestas, de vous introduire ici. L’entrée d’honneur est par le jardin, mais je suis si peu habitué à recevoir du monde que… Jacquotte !

À ce nom, proféré presque impérieusement, une voix de femme répondit dans l’intérieur de la maison. Un moment après, Jacquotte prit l’offensive en appelant à son tour Benassis, qui vint promptement dans la salle à manger.

— Vous voilà bien, monsieur ! dit-elle, vous n’en faites jamais d’autres. Vous invitez toujours du monde à dîner sans m’en prévenir, et vous croyez que tout est troussé quand vous avez crié : Jacquotte ! Allez-vous pas recevoir ce monsieur dans la cuisine ? Ne fallait-il pas ouvrir le salon, y allumer du feu ? Nicolle y est et va tout arranger. Maintenant promenez votre monsieur pendant un moment dans le jardin ; ça l’amusera, cet homme, s’il aime les jolies choses, montrez-lui la charmille de défunt monsieur, j’aurai le temps de tout apprêter, le dîner, le couvert et le salon.

— Oui. Mais, Jacquotte, reprit Benassis, ce monsieur va rester ici. N’oublie pas de donner un coup d’œil à la chambre de monsieur Gravier, de voir aux draps et à tout, de…

— N’allez-vous pas vous mêler des draps, à présent ? répliqua Jacquotte. S’il couche ici, je sais bien ce qu’il faudra lui faire. Vous n’êtes seulement pas entré dans la chambre de monsieur Gravier depuis dix mois. Il n’y a rien à y voir, elle est propre comme mon œil. Il va donc demeurer ici, ce monsieur ? ajouta-t-elle d’un ton radouci.

— Oui.

— Pour longtemps ?

— Ma foi, je ne sais pas. Mais qu’est-ce que cela te fait !

— Ah ! qu’est-ce que cela me fait, monsieur ? Ah ! bien, qu’est-ce que cela me fait ! En voilà bien d’une autre ! Et les provisions, et tout, et…

Sans achever le flux de paroles par lequel, en toute autre occasion, elle eût assailli son maître pour lui reprocher son manque de confiance, elle le suivit dans la cuisine. En devinant qu’il s’agissait d’un pensionnaire, elle fut impatiente de voir Genestas, à qui elle fit une révérence obséquieuse en l’examinant de la tête aux pieds. La physionomie du militaire avait alors une expression triste et songeuse qui lui donnait un air rude, le colloque de la servante et du maître lui semblait révéler en ce dernier une nullité qui lui faisait