Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/50

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dication, en acceptant sans scrupule la dîme de nouvelle espèce que lui offrait Marche-à-terre. — Au reste, ajouta-t-il, je puis maintenant consacrer tout ce que je possède à la défense de Dieu et du Roi. Mon neveu part avec les Bleus !

Coupiau se lamentait et criait qu’il était ruiné.

— Viens avec nous, lui dit Marche-à-terre, tu auras ta part.

— Mais on croira que j’ai fait exprès de me laisser voler, si je reviens sans avoir essuyé de violence.

— N’est-ce que ça ?… dit Marche-à-terre.

Il fit un signal et une décharge cribla la turgotine. À cette fusillade imprévue, la vieille voiture poussa un cri si lamentable, que les Chouans, naturellement superstitieux, reculèrent d’effroi ; mais Marche-à-terre avait vu sauter et retomber dans un coin de la caisse la figure pâle du voyageur taciturne.

— Tu as encore une volaille dans ton poulailler, dit tout bas Marche-à-terre à Coupiau.

Pille-miche, qui comprit la question, cligna des yeux en signe d’intelligence.

— Oui, répondit le conducteur ; mais je mets pour condition à mon enrôlement avec vous autres, que vous me laisserez conduire ce brave homme sain et sauf à Fougères. Je m’y suis engagé au nom de la sainte d’Auray.

— Qui est-ce ? demanda Pille-miche.

— Je ne puis pas vous le dire, répondit Coupiau.

— Laisse-le donc ! reprit Marche-à-terre en poussant Pille-miche par le coude, il a juré par Sainte-Anne d’Auray, faut qu’il tienne ses promesses.

— Mais, dit le Chouan en s’adressant à Coupiau, ne descends pas trop vite la montagne, nous allons te rejoindre, et pour cause. Je veux voir le museau de ton voyageur, et nous lui donnerons un passeport.

En ce moment on entendit le galop d’un cheval dont le bruit se rapprochait vivement de La Pèlerine. Bientôt le jeune chef apparut. La dame cacha promptement le sac qu’elle tenait à la main.

— Vous pouvez garder cet argent sans scrupule, dit le jeune homme en ramenant en avant le bras de la dame. Voici une lettre que j’ai trouvée pour vous parmi celles qui m’attendaient à la Vivetière, elle est de madame votre mère. Après avoir tour à tour regardé les Chouans qui regagnaient le bois, et la voiture qui des-