Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/664

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Mon pauvre protégé demande des choses impossibles. Aucun pouvoir ne tiendrait devant des ambitions si violentes, si impérieuses, absolues. Je suis l’ami du terre à terre, de la lenteur en politique, et j’aime peu les déménagements sociaux auxquels tous ces grands esprits nous soumettent. Je vous confie mes principes de vieillard monarchique et encroûté parce que vous êtes discrète ! ici, je me tais au milieu de braves gens qui, plus ils s’enfoncent, plus ils croient au progrès ; mais je souffre en voyant les maux irréparables déjà faits à notre cher pays.

« J’ai donc répondu à ce jeune homme, qu’une tâche digne de lui l’attendait. Il viendra vous voir ; et quoique sa lettre, que je joins à la mienne, vous permette de le juger, vous l’étudierez encore, n’est-ce pas ? Vous autres femmes, vous devinez beaucoup de choses à l’aspect des gens. D’ailleurs, tous les hommes, même les plus indifférents dont vous vous servez doivent vous plaire. S’il ne vous convient pas, vous pourrez le refuser, mais s’il vous convenait, chère enfant, guérissez-le de son ambition mal déguisée, faites-lui épouser la vie heureuse et tranquille des champs où la bienfaisance est perpétuelle, où les qualités des âmes grandes et fortes peuvent s’exercer continuellement, où l’on découvre chaque jour dans les productions naturelles des raisons d’admiration et dans les vrais progrès, dans les réelles améliorations, une occupation digne de l’homme. Je n’ignore point que les grandes idées engendrent de grandes actions, mais comme ces sortes d’idées sont fort rares, je trouve, qu’à l’ordinaire, les choses valent mieux que les idées. Celui qui fertilise un coin de terre, qui perfectionne un arbre à fruit, qui applique une herbe à un terrain ingrat est bien au-dessus de ceux qui cherchent des formules pour l’Humanité. En quoi la science de Newton a-t-elle changé le sort de l’habitant des campagnes ? Oh ! chère, je vous aimais ; mais aujourd’hui, moi qui comprends bien ce que vous allez tenter, je vous adore. Personne à Limoges ne vous oublie, l’on y admire votre grande résolution d’améliorer Montégnac. Sachez-nous un peu gré d’avoir l’esprit d’admirer ce qui est beau, sans oublier que le premier de vos admirateurs est aussi votre premier ami,

F. Grossetête. »
GÉRARD À GROSSETÊTE.

« Je viens, monsieur, vous faire de tristes confidences ; mais