Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/698

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mauvaise créature aurait valu mieux que moi. Je ne sais pas ce que je serais devenue si j’avais entendu dire le moindre mot sur Benjamin ou sur son père. Je me serais fait périr moi-même, je serais devenue folle. Mon père ou ma mère, dans un moment de colère, pouvaient me faire un reproche. Je suis trop vive pour supporter une querelle ou une injure, moi qui suis douce ! J’ai été bien punie puisque je n’ai pu voir mon enfant, moi qui n’ai pas été un seul jour sans penser à lui ! J’ai voulu être oubliée, et, je l’ai été. Personne n’a pensé à moi. On m’a crue morte, et cependant j’ai bien des fois voulu tout quitter pour venir passer un jour ici, voir mon petit.

— Votre petit, tenez, mon enfant, voyez-le !

Catherine aperçut Benjamin et fut prise comme d’un frisson de fièvre.

— Benjamin, dit madame Graslin, viens embrasser ta mère.

— Ma mère ? s’écria Benjamin surpris. Il sauta au cou de Catherine, qui le serra sur elle avec une force sauvage. Mais l’enfant lui échappa et se sauva en criant : — Je vais le quérir.

Madame Graslin, obligée d’asseoir Catherine qui défaillait, aperçut alors monsieur Bonnet, et ne put s’empêcher de rougir en recevant de son confesseur un regard perçant qui lisait dans son cœur.

— J’espère, monsieur le curé, lui dit-elle en tremblant, que vous ferez promptement le mariage de Catherine et de Farrabesche. Ne reconnaissez-vous pas monsieur Bonnet, mon enfant ? il vous dira que Farrabesche, depuis son retour, s’est conduit en honnête homme, il a l’estime de tout le pays, et s’il est au monde un endroit où vous puissiez vivre heureux et considérés, c’est à Montégnac. Vous y ferez, Dieu aidant, votre fortune, car vous serez mes fermiers. Farrabesche est redevenu citoyen.

— Tout cela est vrai, mon enfant, dit le curé.

En ce moment, Farrabesche arriva traîné par son fils ; il resta pâle et sans parole en présence de Catherine et de madame Graslin. Il devinait combien la bienfaisance de l’une avait été active et tout ce que l’autre avait dû souffrir pour n’être pas venue. Véronique emmena le curé, qui, de son côté, voulait l’emmener. Dès qu’ils se trouvèrent assez loin pour n’être pas entendus, monsieur Bonnet regarda fixement sa pénitente et la vit rougissant, elle baissa les yeux comme une coupable.