Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/708

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Madame Graslin aperçut de loin Francis dans les bras d’une femme en deuil. À en juger par la forme du chapeau, par la coupe des vêtements, cette femme devait être une étrangère. Véronique effrayée appela son fils, qui revint.

— Qui est cette femme ? demanda-t-elle aux enfants, et pourquoi Francis vous a-t-il quittés ?

— Cette dame l’a appelé par son nom, dit une petite fille.

En ce moment, la Sauviat et Gérard, qui avaient devancé toute la compagnie, arrivèrent.

— Qui est cette femme, mon cher enfant ? dit madame Graslin à Francis.

— Je ne la connais pas, dit l’enfant, mais il n’y a que toi et ma grand’mère qui m’embrassiez ainsi. Elle a pleuré, dit-il à l’oreille de sa mère.

— Voulez-vous que je coure après elle ? dit Gérard.

— Non, lui répondit madame Graslin avec une brusquerie qui n’était pas dans ses habitudes.

Par une délicatesse qui fut appréciée de Véronique, Gérard emmena les enfants, et alla au-devant de tout le monde en laissant la Sauviat, madame Graslin et Francis seuls.

— Que t’a-t-elle dit ? demanda la Sauviat à son petit-fils.

— Je ne sais pas, elle ne me parlait pas français.

— Tu n’as rien entendu ? dit Véronique.

— Ah ! elle a dit à plusieurs reprises, et voilà pourquoi j’ai pu le retenir : dear brother !

Véronique prit le bras de sa mère, et garda son fils à la main ; mais elle fit à peine quelques pas, ses forces l’abandonnèrent.

— Qu’a-t-elle ? qu’est-il arrivé ? demanda-t-on à la Sauviat.

— Oh ! ma fille est en danger, dit d’une voix gutturale et profonde la vieille Auvergnate.

Il fallut porter madame Graslin dans sa voiture ; elle voulut qu’Aline y montât avec Francis et désigna Gérard pour l’accompagner.

— Vous êtes allé, je crois, en Angleterre ? lui dit-elle quand elle eut recouvré ses esprits, et vous savez l’anglais. Que signifient ces mots : dear brother ?

— Qui ne le sait ? s’écria Gérard. Ça veut dire : cher frère !

Véronique échangea avec Aline et avec la Sauviat un regard qui les fit frémir ; mais elles continrent leurs émotions. Les cris de