Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/709

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joie de tous ceux qui assistaient au départ des voitures, les pompes du soleil couchant dans les prairies, la parfaite allure des chevaux, les rires de ses amis qui suivaient, le galop que faisaient prendre à leurs montures ceux qui l’accompagnaient à cheval, rien ne tira madame Graslin de sa torpeur ; sa mère fit alors hâter le cocher, et leur voiture arriva la première au château. Quand la compagnie y fut réunie, on apprit que Véronique s’était renfermée chez elle et ne voulait voir personne.

— Je crains, dit Gérard à ses amis, que madame Graslin n’ait reçu quelque coup mortel…

— Où ? comment ? lui demanda-t-on.

— Au cœur, répondit Gérard.

Le surlendemain, Roubaud partit pour Paris ; il avait trouvé madame Graslin si grièvement atteinte, que, pour l’arracher à la mort, il allait réclamer les lumières et le secours du meilleur médecin de Paris. Mais Véronique n’avait reçu Roubaud que pour mettre un terme aux importunités de sa mère et d’Aline, qui la suppliaient de se soigner : elle se sentit frappée à mort. Elle refusa de voir monsieur Bonnet, en lui faisant répondre qu’il n’était pas temps encore. Quoique tous ses amis, venus de Limoges pour sa fête, voulussent rester près d’elle, elle les pria de l’excuser si elle ne remplissait pas les devoirs de l’hospitalité ; mais elle désirait rester dans la plus profonde solitude. Après le brusque départ de Roubaud, les hôtes du château de Montégnac retournèrent alors à Limoges, moins désappointés que désespérés, car tous ceux que Grossetête avait amenés adoraient Véronique. On se perdit en conjectures sur l’événement qui avait pu causer ce mystérieux désastre.

Un soir, deux jours après le départ de la nombreuse famille des Grossetête, Aline introduisit Catherine dans l’appartement de madame Graslin. La Farrabesche resta clouée à l’aspect du changement qui s’était si subitement opéré chez sa maîtresse, à qui elle voyait un visage presque décomposé.

— Mon Dieu ! madame, s’écria-t-elle, quel mal a fait cette pauvre fille ! Si nous avions pu le prévoir, Farrabesche et moi nous ne l’aurions jamais reçue ; elle vient d’apprendre que madame est malade, et m’envoie dire à madame Sauviat qu’elle désire lui parler.

— Ici ! s’écria Véronique. Enfin où est-elle ?

— Mon mari l’a conduite au chalet.