Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/727

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m’avertir que tout n’était pas expié. Mes fautes ne seront rachetées que par un aveu public. Il est heureux, lui ! Criminel, il a donné sa vie avec ignominie à la face du ciel et de la terre. Et moi, je trompe encore le monde comme j’ai trompé la justice humaine. Il n’est pas un hommage qui ne m’ait insultée, pas un éloge qui n’ait été brûlant pour mon cœur. Ne voyez-vous pas, dans l’arrivée ici du Procureur-général, un commandement du ciel d’accord avec la voix qui me crie : Avoue !

Les deux prêtres, le prince de l’Église comme l’humble curé, ces deux grandes lumières tenaient les yeux baissés et gardaient le silence. Les juges étaient trop émus par la grandeur et par la résignation du coupable pour pouvoir prononcer un arrêt.

— Mon enfant, dit l’archevêque en relevant sa belle tête macérée par les coutumes de sa pieuse vie, vous allez au delà des commandements de l’Église. La gloire de l’Église est de faire concorder ses dogmes avec les mœurs de chaque temps : elle est destinée à traverser les siècles des siècles en compagnie de l’Humanité. La confession secrète a, selon ses décisions, remplacé la confession publique. Cette substitution a fait la loi nouvelle. Les souffrances que vous avez endurées suffisent. Mourez en paix : Dieu vous a bien entendue.

— Mais le vœu de la criminelle n’est-il pas conforme aux lois de la première Église qui a enrichi le ciel d’autant de saints, de martyrs et de confesseurs qu’il y a d’étoiles au firmament, reprit-elle avec véhémence. Qui a écrit : Confessez-vous les uns aux autres ? n’est-ce pas les disciples immédiats de notre Sauveur ? Laissez-moi confesser publiquement ma honte, à genoux. Ce sera le redressement de mes torts envers le monde, envers une famille proscrite et presque éteinte par ma faute. Le monde doit apprendre que mes bienfaits ne sont pas une offrande, mais une dette. Si plus tard, après moi, quelque indice m’arrachait le voile menteur qui me couvre ?… Ah ! cette idée avance pour moi l’heure suprême.

— Je vois en ceci des calculs, mon enfant, dit gravement l’archevêque. Il y a encore en vous des passions bien fortes, celle que je croyais éteinte est…

— Oh ! je vous le jure, monseigneur, dit-elle en interrompant le prélat et lui montrant des yeux fixes d’horreur, mon cœur est aussi purifié que peut l’être celui d’une femme coupable et repentante : il n’y a plus en tout moi que la pensée de Dieu.