Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/83

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Mais la surprise de Hulot et l’attention de mademoiselle de Verneuil avaient quelque chose de cruellement sérieux qu’il était dangereux de méconnaître.

— Qu’as-tu donc, commandant, est-ce que tu me connaîtrais ? reprit brusquement le jeune homme.

— Peut-être, répondit le républicain.

— En effet, je crois t’avoir vu venir à l’École.

— Je ne suis jamais allé à l’école, répliqua brusquement le commandant.

— Et de quelle école sors-tu donc, toi ?

— De l’École polytechnique.

— Ah ! ah ! oui, de cette caserne où l’on veut faire des militaires dans des dortoirs, répondit le commandant dont l’aversion était insurmontable pour les officiers sortis de cette savante pépinière. Mais dans quel corps sers-tu ?

— Dans la marine.

— Ah ! dit Hulot en riant avec malice. Connais-tu beaucoup d’élèves de cette École-là dans la marine ? — Il n’en sort, reprit-il d’un accent grave, que des officiers d’artillerie et du génie.

Le jeune homme ne se déconcerta pas.

— J’ai fait exception à cause du nom que je porte, répondit-il. Nous avons tous été marins dans notre famille.

— Ah ! reprit Hulot, quel est donc ton nom de famille, citoyen ?

— Du Gua Saint-Cyr.

— Tu n’as donc pas été assassiné à Mortagne ?

— Ah ! il s’en est de bien peu fallu, dit vivement madame du Gua, mon fils a reçu deux balles…

— Et as-tu des papiers ? dit Hulot sans écouter la mère.

— Est-ce que vous voulez les lire, demanda impertinemment le jeune marin dont l’œil bleu plein de malice étudiait alternativement la sombre figure du commandant et celle de mademoiselle de Verneuil.

— Un blanc-bec comme toi voudrait-il m’embêter, par hasard ? Allons, donne-moi tes papiers, ou sinon, en route !

— La, la, mon brave, je ne suis pas un serin. Ai-je donc besoin de te répondre ! Qui es-tu ?

— Le commandant du département, reprit Hulot.

— Oh ! alors mon cas peut devenir très-grave, je serais pris les armes à la main. Et il tendit un verre de vin de Bordeaux au commandant.