Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/253

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— Ah ! je retrouve ma fille, cria la mère.

— Que se passe-t-il donc ici ? demanda le quartier-maître survenant.

— Il y a, s’écria Montefiore, que l’on m’assassine au nom de cette fille, qui prétend que je suis son amant, qui m’a entraîné dans un piége, et que l’on veut me forcer d’épouser contre mon gré…

— Tu n’en veux pas, s’écria Diard, frappé de la beauté sublime que l’indignation, le mépris et la haine prêtaient à Juana, déjà si belle ; tu es bien difficile ! s’il lui faut un mari, me voilà. Rengaînez vos poignards.

La Marana prit l’Italien, le releva, l’attira près du lit de sa fille, et lui dit à l’oreille : — Si je t’épargne, rends-en grâce à ton dernier mot. Mais, souviens-t’en ! Si ta langue flétrit jamais ma fille, nous nous reverrons. — De quoi peut se composer la dot ? demanda-t-elle à Perez.

— Elle a deux cent mille piastres fortes…

— Ce ne sera pas tout, monsieur, dit la courtisane à Diard. Qui êtes-vous ? — Vous pouvez sortir, reprit-elle en se tournant vers Montefiore.

En entendant parler de deux cent mille piastres fortes, le marquis s’avança disant : — Je suis bien réellement libre…

Un regard de Juana lui ôta la parole. — Vous êtes bien réellement libre de sortir, lui dit-elle.

Et l’Italien sortit.

— Hélas ! monsieur, reprit la jeune fille en s’adressant à Diard, je vous remercie avec admiration. Mon époux est au ciel, ce sera Jésus-Christ. Demain j’entrerai au couvent de…

— Juana, ma Juana, tais-toi ! cria la mère en la serrant dans ses bras. Puis elle lui dit à l’oreille : — Il te faut un autre époux.

Juana pâlit.

— Qui êtes-vous, monsieur ? répéta-t-elle en regardant le Provençal.

— Je ne suis encore, dit-il, que le quartier-maître du 6e de ligne. Mais, pour une telle femme, on se sent le cœur de devenir maréchal de France. Je me nomme Pierre-François Diard. Mon père était prévôt des marchands ; je ne suis donc pas un…

— Eh ! vous êtes honnête homme, n’est-ce pas ? s’écria la Marana. Si vous plaisez à la signora Juana de Mancini, vous pouvez être heureux l’un et l’autre.