Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/280

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— Un instant, s’écria le juge d’instruction. Madame, qu’est devenue la somme volée au marquis de Montefiore ?

— Monsieur Diard, répondit-elle, m’a parlé vaguement d’un tas de pierres sous lequel il l’aurait cachée.

— Où ?

— Dans la rue.

Les deux magistrats se regardèrent. Juana laissa échapper un geste sublime et appela le médecin.

— Monsieur, lui dit-elle à l’oreille, serais-je donc soupçonnée de quelque infamie ? moi ! Le tas de pierres doit être au bout de mon jardin. Allez-y vous-même, je vous en prie. Voyez, visitez, trouvez cet argent.

Le médecin sortit en emmenant le juge d’instruction, et ils retrouvèrent le portefeuille de Montefiore.

Le surlendemain, Juana vendit sa croix d’or pour subvenir aux frais de son voyage. En se rendant avec ses deux enfants à la diligence qui allait la conduire aux frontières de l’Espagne, elle s’entendit appeler dans la rue, sa mère mourante était conduite à l’hôpital ; et, par la fente des rideaux du brancard sur lequel on la portait, elle avait aperçu sa fille. Juana fit entrer le brancard sous une porte cochère. Là, eut lieu la dernière entrevue entre la mère et la fille. Quoique toutes deux s’entretinssent à voix basse, Juan entendit ces mots d’adieu :

— Mourez en paix, ma mère, j’ai souffert pour vous toutes !

Paris, novembre 1832.