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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/374

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en piaffant, et le murmure des eaux du Rhin, et ces espèces de rumeurs indéfinissables qui animent une auberge pleine quand chacun s’y couche. Les portes et les fenêtres s’ouvraient et se fermaient, des voix murmuraient de vagues paroles, et quelques interpellations retentissaient dans les chambres. En ce moment de silence et de tumulte, les deux Français, et l’hôte occupé à leur vanter Andernach, le repas, son vin du Rhin, l’armée républicaine et sa femme, écoutèrent avec une sorte d’intérêt les cris rauques de quelques mariniers et les bruissements d’un bateau qui abordait au port. L’aubergiste, familiarisé sans doute avec les interrogations gutturales de ces bateliers, sortit précipitamment, et revint bientôt. Il ramena un gros petit homme derrière lequel marchaient deux mariniers portant une lourde valise et quelques ballots. Ses paquets déposés dans la salle, le petit homme prit lui-même sa valise et la garda près de lui, en s’asseyant sans cérémonie à table devant les deux sous-aides. — Allez coucher à votre bateau, dit-il aux mariniers, puisque l’auberge est pleine. Tout bien considéré, cela vaudra mieux. — Monsieur, dit l’hôte au nouvel arrivé, voilà tout ce qui me reste de provisions. Et il montrait le souper servi aux deux Français. — Je n’ai pas une croûte de pain, pas un os. — Et de la choucroute ? — Pas de quoi mettre dans le dé de ma femme ! Comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, vous ne pouvez avoir d’autre lit que la chaise sur laquelle vous êtes, et d’autre chambre que cette salle. À ces mots, le petit homme jeta sur l’hôte, sur la salle et sur les deux Français, un regard où la prudence et l’effroi se peignirent également.

— Ici je dois vous faire observer, dit monsieur Hermann en s’interrompant, que nous n’avons jamais su ni le véritable nom ni l’histoire de cet inconnu ; seulement, ses papiers ont appris qu’il venait d’Aix-la-Chapelle ; il avait pris le nom de Walhenfer, et possédait aux environs de Neuwied une manufacture d’épingles assez considérable. Comme tous les fabricants de ce pays, il portait une redingote de drap commun, une culotte et un gilet en velours vert foncé, des bottes et une large ceinture de cuir. Sa figure était toute ronde, ses manières franches et cordiales ; mais pendant cette soirée il lui fut très-difficile de déguiser entièrement des appréhensions secrètes ou peut-être de cruels soucis. L’opinion de l’aubergiste a toujours été que ce négociant allemand fuyait son pays. Plus tard, j’ai su que sa fabrique avait été brûlée par un de