Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/417

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émaillé, faisant un doux tumulte dans le silence de la nuit. Les larges portes de l’église s’ouvrirent. Ceux qui, venus trop tard, restèrent en dehors voyaient de loin, par les trois portails ouverts, une scène dont les décorations vaporeuses de nos opéras modernes ne sauraient donner une faible idée. Des dévotes et des pécheurs, pressés de gagner les bonnes grâces d’un nouveau saint, allumèrent en son honneur des milliers de cierges dans cette vaste église, lueurs intéressées qui donnèrent de magiques aspects au monument. Les noires arcades, les colonnes et leurs chapiteaux, les chapelles profondes et brillantes d’or et d’argent, les galeries, les découpures sarrasines, les traits les plus délicats de cette sculpture délicate, se dessinaient dans cette lumière surabondante, comme des figures capricieuses qui se forment dans un brasier rouge. C’était un océan de feux, dominé, au fond de l’église, par le chœur doré où s’élevait le maître-autel, dont la gloire eût rivalisé avec celle d’un soleil levant. En effet, la splendeur des lampes d’or, des candélabres d’argent, des bannières, des glands, des saints et des ex-voto, pâlissait devant la châsse où se trouvait don Juan. Le corps de l’impie étincelait de pierreries, de fleurs, de cristaux, de diamants, d’or, de plumes aussi blanches que les ailes d’un séraphin, et remplaçait sur l’autel un tableau du Christ. Autour de lui brillaient des cierges nombreux qui élançaient dans les airs de flamboyantes ondes. Le bon abbé de San-Lucar, paré des habits pontificaux, ayant sa mitre enrichie de pierres précieuses, son rochet, sa crosse d’or, siégeait, roi du chœur, sur un fauteuil d’un luxe impérial, au milieu de tout son clergé, composé d’impassibles vieillards en cheveux argentés, revêtus d’aubes fines, et qui l’entouraient, semblables aux saints confesseurs que les peintres groupent autour de l’Éternel. Le Grand-Chantre et les dignitaires du chapitre, décorés des brillants insignes de leurs vanités ecclésiastiques, allaient et venaient au sein des nuages formés par l’encens, pareils aux astres qui roulent sur le firmament. Quand l’heure du triomphe fut venue, les cloches réveillèrent les échos de la campagne, et cette immense assemblée jeta vers Dieu le premier cri de louanges par lequel commence le Te Deum. Cri sublime ! C’était des voix pures et légères, des voix de femmes en extase, mêlées aux voix graves et fortes des hommes, des milliers de voix si puissantes que l’orgue n’en domina pas l’ensemble, malgré le mugissement de ses tuyaux. Seulement les notes perçantes de la jeune