Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/555

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une célèbre devineresse secrètement amenée par Nostradamus, le chef des médecins qui, dans ce grand seizième siècle, tenaient, comme les Ruggieri, comme les Cardan, les Paracelse et tant d’autres, pour les sciences occultes. Cette femme, dont la vie a échappé à l’histoire, avait fixé à un an le règne de François II.

— Votre avis sur tout ceci ? dit Catherine à Chiverni.

— Nous aurons une bataille, répondit le prudent gentilhomme. Le roi de Navarre…

— Oh ! dites la reine ! reprit Catherine.

— C’est vrai, la reine, dit Chiverni en souriant, a donné pour chef aux Réformés le prince de Condé, qui, dans sa position de cadet, peut tout hasarder ; aussi monsieur le cardinal parle-t-il de le mander ici.

— Qu’il vienne, s’écria la reine, et je suis sauvée !

Ainsi les chefs du grand mouvement de la Réformation en France avaient bien deviné dans Catherine une alliée.

— Il y a ceci de plaisant, s’écria la reine, que les Bourbons jouent les Huguenots, et que les sieurs Calvin, de Bèze et autres jouent les Bourbons ; mais serons-nous assez forts pour jouer Huguenots, Bourbons et Guise ? En face de ces trois ennemis, il est permis de se tâter le pouls ! dit-elle.

— Ils n’ont pas le roi, lui répondit Albert, et vous triompherez toujours en ayant le roi pour vous.

— Maladetta Maria ! dit Catherine entre ses dents.

— Les Lorrains pensent déjà bien à vous ôter l’affection de la Bourgeoisie, dit Birague.

L’espérance d’avoir la couronne ne fut pas chez les deux chefs de la remuante famille des Guise le résultat d’un plan prémédité, rien n’autorisa ni le plan ni l’espérance, les circonstances firent leur audace. Les deux cardinaux et les deux Balafrés se trouvèrent être quatre ambitieux supérieurs en talents à tous les politiques qui les environnaient. Aussi cette famille ne fut-elle abattue que par Henri IV, factieux nourri à cette grande école dont les maîtres furent Catherine et les Guise, et qui profita de toutes leurs leçons.

En ce moment ces deux hommes se trouvaient être les arbitres de la plus grande révolution essayée en Europe depuis celle de Henri VIII en Angleterre, et qui fut la conséquence de la découverte de l’imprimerie. Adversaires de la Réformation, ils tenaient le pouvoir entre leurs mains et voulaient étouffer l’hérésie ; mais,