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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/566

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mettre à mademoiselle de Matha, l’une des filles de l’autre bord, une lettre de mon cousin de Jarnac.

— Ne compromettez pas mes filles, dit la comtesse de Fiesque, je la donnerai moi-même !

— Savez-vous des nouvelles de ce qui se passe en Flandre ? demanda madame de Fiesque au cardinal de Tournon. Il parait que monsieur d’Egmont donne dans les nouveautés.

— Lui et le prince d’Orange, reprit Cypierre en faisant un geste d’épaules assez significatif.

— Le duc d’Albe et le cardinal Granvelle y vont, n’est-ce pas, monsieur ? dit Amyot au cardinal de Tournon qui restait sombre et inquiet entre les deux groupes, après sa conversation avec le chancelier.

— Heureusement nous sommes tranquilles, et nous n’avons à vaincre l’Hérésie que sur le théâtre, dit le jeune duc d’Orléans en faisant allusion au rôle qu’il avait rempli la veille, celui d’un chevalier domptant une hydre qui avait sur le front le mot Réformation.

Catherine de Médicis, d’accord en ceci avec sa belle-fille, avait laissé faire une salle de spectacle de l’immense salle qui plus tard fut disposée pour les États de Blois, et où, comme il a été déjà dit, aboutissaient le château de François Ier et celui de Louis XII.

Le cardinal ne répondit rien et reprit sa marche au milieu de la salle en causant à voix basse entre monsieur de Robertet et le chancelier. Beaucoup de personnes ignorent les difficultés que les Sécrétaireries d’État, devenues depuis les Ministères, ont rencontrées dans leur établissement et combien de peines ont eues les rois de France à les créer. À cette époque un secrétaire d’État comme Robertet était purement et simplement un écrivain, il comptait à peine au milieu des princes et des grands, qui décidaient des affaires de l’État. Il n’y avait pas alors d’autres fonctions ministérielles que celles de Surintendant des finances, de Chancelier et de Garde-des-sceaux. Les rois accordaient une place dans leur Conseil par des lettres patentes à ceux de leurs sujets dont les avis leur paraissaient utiles à la conduite des affaires publiques. On donnait l’entrée au conseil à un président de chambre du Parlement, à un évêque, à un favori sans titre. Une fois admis au Conseil, le sujet y fortifiait sa position en se faisant revêtir des charges de la Couronne auxquelles étaient dévolues des attribu-