Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/609

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pour y placer ce tribunal. Cette charmante construction, due à la bourgeoisie du seizième siècle, et qui complète si bien l’histoire de ce temps, où le roi, la noblesse et la bourgeoisie luttaient de grâce, d’élégance et de richesse dans la construction de leurs demeures, témoin Varangeville, le splendide manoir d’Ango ; et l’hôtel, dit d’Hercules, à Paris, qui existe encore de nos jours, mais dans un état qui doit faire le désespoir des archéologues et des amis du moyen-âge. Il est difficile d’être allé à Orléans sans y avoir remarqué sur la place de l’Estape l’hôtel-de-ville. Cet hôtel-de-ville est l’ancien bailliage, l’hôtel de Groslot, la plus illustre maison d’Orléans et la plus négligée.

Les restes de cet hôtel annoncent, aux yeux de l’archéologue, combien il fut magnifique, à une époque où les maisons bourgeoises se bâtissaient beaucoup plus en bois qu’en pierre, et où les seigneurs seuls avaient le droit de se faire des manoirs, mot significatif. Pour avoir servi de demeure au roi à une époque où la cour déployait tant de luxe et de pompe, l’hôtel Groslot devait être alors la plus grande et la plus splendide maison d’Orléans. Ce fut sur cette place de l’Estape que les Guise et le roi passèrent en revue la garde bourgeoise à laquelle on donna pour chef, durant le séjour du roi, M. de Cypierre. À cette époque, la cathédrale de Sainte-Croix, plus tard achevée par Henri IV, qui voulut donner ce gage de la sincérité de sa conversion, était en construction, et ses alentours, jonchés de pierres, embarrassés de chantiers, furent occupés par les Guise qui se logèrent dans l’hôtel de l’évêque, aujourd’hui détruit.

La ville fut occupée militairement, et les mesures que prirent les Lorrains indiquaient combien ils voulaient laisser peu de liberté aux États-Généraux dont les membres affluaient dans la ville et faisaient surenchérir les loyers des plus petits bouges. Aussi la cour, la milice bourgeoise, la noblesse et la bourgeoisie s’attendaient-elles à quelque coup d’État, et leur attente ne fut pas trompée à l’arrivée des princes du sang. Quand les deux princes entrèrent dans la chambre du roi, la cour vit avec effroi l’insolence du cardinal de Lorraine qui, pour afficher hautement ses prétentions, resta couvert, tandis que le roi de Navarre était devant lui, tête nue. En ce moment Catherine de Médicis baissa les yeux pour ne pas laisser voir son indignation. Il y eut alors une explication solennelle entre le jeune roi et les deux chefs de la branche ca-