Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/276

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du salon. Le voilà ! mon Dieu, qu’il est beau ! Ô ! mon Séraphîtüs, prends-moi.

L’exclamation de la jeune fille fut tout intérieure. Elle voyait Séraphîtüs debout, légèrement enveloppé d’un brouillard couleur d’opale qui s’échappait à une faible distance de ce corps presque phosphorique.

— Comme elle est belle ! s’écria mentalement aussi Wilfrid.

En ce moment, monsieur Becker arriva, suivi de David : il vit sa fille et l’étranger devant la fenêtre, vint près d’eux, regarda dans le salon, et dit : — Eh ! bien, David, elle fait ses prières.

— Mais, monsieur, essayez d’entrer.

— Pourquoi troubler ceux qui prient ? répondit le pasteur.

En ce moment, un rayon de la lune, qui se levait sur le Falberg, jaillit sur la fenêtre. Tous se retournèrent émus par cet effet naturel qui les fit tressaillir ; mais quand ils revinrent pour voir Séraphîta, elle avait disparu.

— Voilà qui est étrange ! dit Wilfrid surpris.

— Mais j’entends des sons délicieux ! dit Minna.

— Eh ! bien, quoi ? dit le pasteur, elle va sans doute se coucher.

David était rentré. Ils revinrent en silence ; aucun d’eux ne comprenait les effets de cette vision de la même manière : Monsieur Becker doutait, Minna adorait, Wilfrid désirait.

Wilfrid était un homme de trente-six ans. Quoique largement développées, ses proportions ne manquaient pas d’harmonie. Sa taille était médiocre, comme celle de presque tous les hommes qui sont élevés au-dessus des autres ; sa poitrine et ses épaules étaient larges, et son col était court comme celui des hommes dont le cœur doit être rapproché de la tête ; ses cheveux étaient noirs, épais et fins ; ses yeux, d’un jaune brun, possédaient un éclat solaire qui annonçait avec quelle avidité sa nature aspirait la lumière. Si ses traits mâles et bouleversés péchaient par l’absence du calme intérieur que communique une vie sans orages, ils annonçaient les ressources inépuisables de sens fougueux et les appétits de l’instinct : de même que ses mouvements indiquaient la perfection de l’appareil physique, la flexibilité des sens et la fidélité de leur jeu. Cet homme pouvait lutter avec le sauvage, entendre comme lui le pas des ennemis dans le lointain des forêts, en flairer la senteur dans les airs, et voir à l’horizon le signal d’un ami. Son sommeil était