éternelles. Une fois que vous avez éprouvé les délices de l’ivresse divine engendrée par vos travaux intérieurs, alors tout est dit ! une fois que vous tenez le sistre sur lequel on chante Dieu, vous ne le quittez plus. De là vient la solitude où vivent les esprits Angéliques et leur dédain de ce qui fait les joies humaines. Je vous le dis, ils sont retranchés du nombre de ceux qui doivent mourir ; s’ils en entendent les langages, ils n’en comprennent plus les idées ; ils s’étonnent de leurs mouvements, de ce que l’on nomme politique, lois matérielles et sociétés ; pour eux plus de mystère, il n’est plus que des vérités. Ceux qui sont arrivés au point où leurs yeux découvrent la Porte Sainte, et qui, sans jeter un seul regard en arrière, sans exprimer un seul regret, contemplent les mondes en en pénétrant les destinées ; ceux-là se taisent, attendent, et souffrent leurs dernières luttes ; la plus difficile est la dernière, la vertu suprême est la Résignation : être en exil et ne pas se plaindre, n’avoir plus goût aux choses d’ici-bas et sourire, être à Dieu, rester parmi les hommes ! Vous entendez bien la voix qui vous crie : — Marche ! marche ! Souvent en de célestes visions, des Anges descendent et vous enveloppent de leurs chants ! Il faut sans pleurs ni murmures, les voir revolant à la ruche. Se plaindre, ce serait déchoir. La résignation est le fruit qui mûrit à la porte du ciel. Combien est puissant et beau le sourire calme et le front pur de la créature résignée ! Radieuse est la lueur qui lui pare le front ! Qui vit dans son air, devient meilleur ! Son regard pénètre, attendrit. Plus éloquente par son silence que le prophète ne l’est par sa parole, elle triomphe par sa seule présence. Elle dresse l’oreille comme le chien fidèle qui attend le maître. Plus forte que l’amour, plus vive que l’espérance, plus grande que la foi, elle est l’adorable fille qui, couchée sur la terre, y garde un moment la palme conquise en laissant une empreinte de ses pieds blancs et purs ; et quand elle n’est plus, les hommes accourent en foule et disent : — « Voyez ! » Dieu l’y maintient comme une figure aux pieds de laquelle rampent les Formes et les Espèces de l’Animalité pour reconnaître leur chemin. Elle secoue, par moments, la lumière que ses cheveux exhalent, et l’on voit ; elle parle, et l’on entend, et tous se disent : — Miracle ! Souvent elle triomphe au nom de Dieu ; les hommes épouvantés la renient, et la mettent à mort ; elle dépose son glaive, et sourit au bûcher après avoir sauvé les peuples. Combien d’Anges pardonnés sont passés du martyre au ciel ! Sinaï, Golgotha ne sont pas ici ou
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