Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/554

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le plus grand tort de l’amener chez vous. Mais voilà comme vous êtes : vous me contraignez à voir un visage que je ne puis souffrir, et je vous demanderais d’inviter monsieur un tel, vous n’y consentiriez pas parce que vous croyez que j’ai du plaisir à me trouver avec lui ! J’avoue qu’il cause bien, qu’il est complaisant, aimable ; mais vous valez encore mieux que lui.

Ces rudiments informes d’une tactique féminine fortifiée par des gestes décevants, par des regards d’une incroyable finesse, par les perfides intonations de la voix, et même par les piéges d’un malicieux silence, sont en quelque sorte l’esprit de leur conduite.

Là il est peu de maris qui ne conçoivent l’idée de construire une petite souricière : ils impatronisent chez eux, et le monsieur un tel, et le fantastique baron, qui représente le personnage abhorré par leurs femmes, espérant découvrir un amant dans la personne du célibataire aimé en apparence.

Oh ! j’ai souvent rencontré dans le monde des jeunes gens, véritables étourneaux en amour, qui étaient entièrement les dupes de l’amitié mensongère que leur témoignaient des femmes obligées de faire une diversion, et de poser un moxa à leurs maris, comme jadis leurs maris leur en avaient appliqué !… Ces pauvres innocents passaient leur temps à minutieusement accomplir des commissions, à aller louer des loges, à se promener à cheval en accompagnant au bois de Boulogne la calèche de leurs prétendues maîtresses ; on leur donnait publiquement des femmes desquelles ils ne baisaient même pas la main, l’amour-propre les empêchait de démentir cette rumeur amicale ; et, semblables à ces jeunes prêtres qui disent des messes blanches, ils jouissaient d’une passion de parade, véritables surnuméraires d’amour.

Dans ces circonstances, quelquefois un mari rentrant chez lui demande à son concierge : — Est-il venu quelqu’un ? — Monsieur le baron est passé pour voir monsieur à deux heures ; comme il n’a trouvé que madame, il n’est pas monté ; mais monsieur un tel est chez elle. Vous arrivez, vous voyez un jeune célibataire, pimpant, parfumé, bien cravaté, dandy parfait. Il a des égards pour vous ; votre femme écoute à la dérobée le bruit de ses pas, et danse toujours avec lui ; si vous lui défendez de le voir, elle jette les hauts cris, et ce n’est qu’après de longues années (voir la Méditation des Derniers Symptômes) que vous vous apercevez de