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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/562

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je. — Peut-être ! N’importe, rentrons. — Alors, c’est par égard pour moi ? Vous voulez sans doute me défendre contre le danger des impressions d’une telle promenade… des suites qu’elle peut avoir pour moi… seul… — Vous êtes modeste !… dit-elle en riant, et vous me prêtez de singulières délicatesses. — Y pensez-vous ? Mais, puisque vous l’entendez ainsi, rentrons, je l’exige. » (Propos gauches qu’il faut passer à deux êtres qui s’efforcent de dire toute autre chose que ce qu’ils pensent.) Elle me força donc de reprendre le chemin du château. Je ne sais, je ne savais, du moins, si ce parti était une violence qu’elle se faisait, si c’était une résolution bien décidée, ou si elle partageait le chagrin que j’avais de voir terminer ainsi une scène si bien commencée ; mais par un mutuel instinct nos pas se ralentissaient et nous cheminions tristement, mécontents l’un de l’autre et de nous-mêmes. Nous ne savions ni à qui, ni à quoi nous en prendre. Nous n’étions ni l’un ni l’autre en droit de rien exiger, de rien demander. Nous n’avions pas seulement la ressource d’un reproche. Qu’une querelle nous aurait soulagés ! Mais où la prendre ?… Cependant nous approchions, occupés en silence de nous soustraire au devoir que nous nous étions si maladroitement imposé. Nous touchions à la porte, lorsque madame de T… me dit : — « Je ne suis pas contente de vous !… Après la confiance que je vous ai montrée, ne m’en accorder aucune !… Vous ne m’avez pas dit un mot de la comtesse. Il est pourtant si doux de parler de ce qu’on aime !… Je vous aurais écouté avec tant d’intérêt !… C’était bien le moins après vous avoir privé d’elle… — N’ai-je pas le même reproche à vous faire ?… dis-je en l’interrompant. Et si au lieu de me rendre confident de cette singulière réconciliation où je joue un rôle si bizarre, vous m’eussiez parlé du marquis… — Je vous arrête !… dit-elle. Pour peu que vous connaissiez les femmes, vous savez qu’il faut les attendre sur les confidences… Revenons à vous. Êtes-vous bien heureux avec mon amie ?… Ah ! je crains le contraire… — Pourquoi, madame, croire avec le public ce qu’il s’amuse à répandre ? — Épargnez-vous la feinte… La comtesse est moins mystérieuse que vous. Les femmes de sa trempe sont prodigues des secrets de l’amour et de leurs adorateurs, surtout lorsqu’une tournure discrète comme la vôtre peut dérober le triomphe. Je suis loin de l’accuser de coquetterie ; mais une prude n’a pas moins de vanité