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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/578

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dans le même hôtel, mais séparés. L’on plaignit généralement la baronne, qui dans le monde rendait toujours justice à son mari, et dont la résignation parut merveilleuse. La femme la plus collet-monté de la société ne trouva rien à redire à l’amitié qui unissait Louise au jeune de Rostanges, et tout fut mis sur le compte de la folie de M. de V.

Quand ce dernier eut fait à madame B… tous les sacrifices que puisse faire un homme, sa perfide maîtresse partit pour les eaux du Mont Dor, pour la Suisse et pour l’Italie, sous prétexte de rétablir sa santé.

L’intendant mourut d’une hépatite, accablé des soins les plus touchants que lui prodiguait son épouse ; et, d’après le chagrin qu’il témoigna de l’avoir délaissée, il parait ne s’être jamais douté de la participation de sa femme au plan qui l’avait mis à mal.

Cette anecdote, que nous avons choisie entre mille autres, est le type des services que deux femmes peuvent se rendre.

Depuis ce mot : — Fais-moi le plaisir d’emmener mon mari… jusqu’à la conception du drame dont le dénouement fut une hépatite, toutes les perfidies féminines se ressemblent. Il se rencontre certainement des incidents qui nuancent plus ou moins le specimen que nous en donnons, mais c’est toujours à peu près la même marche. Aussi un mari doit-il se défier de toutes les amies de sa femme. Les ruses subtiles de ces créatures mensongères manquent rarement leur effet, car elles sont secondées par deux ennemis dont l’homme est toujours accompagné : l’amour-propre et le désir.



§ IV. — DES ALLIÉS DE L’AMANT.


L’homme empressé d’en avertir un autre qu’un billet de mille francs tombe de son portefeuille, ou même qu’un mouchoir sort de sa poche, regarde comme une bassesse de le prévenir qu’on lui enlève sa femme. Il y a certes dans cette inconséquence morale quelque chose de bizarre, mais enfin elle peut s’expliquer. La loi s’étant interdit la recherche des droits matrimoniaux, les citoyens ont encore bien moins qu’elle le droit de faire la police conjugale ; et quand on remet un billet de mille francs à celui qui le perd, il y a dans cet acte une sorte d’obligation dérivée du principe qui dit : Agis envers autrui comme tu voudrais qu’il agît envers toi !

Mais par quel raisonnement justifiera-t-on, et comment qualifierons-