Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/602

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ite son sort.

Quelle doit être la conduite d’un mari, en s’apercevant d’un dernier symptôme qui ne lui laisse aucun doute sur l’infidélité de sa femme ?

Cette question est facile à résoudre. Il n’existe que deux partis à prendre : celui de la résignation, ou celui de la vengeance ; mais il n’y a aucun terme entre ces deux extrêmes.

Si l’on opte pour la vengeance, elle doit être complète. L’époux qui ne se sépare pas à jamais de sa femme est un véritable niais.

Si un mari et une femme se jugent dignes d’être encore liés par l’amitié qui unit deux hommes l’un à l’autre, il y a quelque chose d’odieux à faire sentir à sa femme l’avantage qu’on peut avoir sur elle.

Voici quelques anecdotes dont plusieurs sont inédites, et qui marquent assez bien, à mon sens, les différentes nuances de la conduite qu’un mari doit tenir en pareil cas.

Monsieur de Roquemont couchait une fois par mois dans la chambre de sa femme, et il s’en allait en disant : — Me voilà net, arrive qui plante !

Il y a là, tout à la fois, de la dépravation et je ne sais quelle pensée assez haute de politique conjugale.

Un diplomate, en voyant arriver l’amant de sa femme, sortait de son cabinet, entrait chez madame, et leur disait : — Au moins ne vous battez pas !…

Ceci a de la bonhomie.

On demandait à monsieur de Boufflers ce qu’il ferait si, après une très-longue absence, il trouvait sa femme grosse ?

— Je ferais porter ma robe-de-chambre et mes pantoufles chez elle.

Il y a de la grandeur d’âme.

— Madame, que cet homme vous maltraite quand vous êtes seule, cela est de votre faute ; mais je ne souffrirai pas qu’il se conduise mal avec vous en ma présence, car c’est me manquer.

Il y a noblesse.

Le sublime du genre est le bonnet carré posé sur le pied du lit par le magistrat pendant le sommeil des deux coupables.

Il y a de bien belles vengeances. Mirabeau a peint admirablement, dans un de ces livres qu’il fit pour gagner sa vie, la sombre résignation de cette Italienne, condamnée par son mari à périr avec lui dans les Maremmes.