Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/287

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pour prix de son indiscrétion. Chacun comprendra le plaisir qu’eut la vieille fille à se laisser arracher des confidences que, depuis son entrée au logis, elle voulait faire à son futur ; car elle consolidait ainsi son mariage.

— Votre frère est incurable ! criait Lisbeth dans la bonne oreille du maréchal.

La voix forte et claire de la Lorraine lui permettait de causer avec le vieillard. Elle fatiguait ses poumons, tant elle tenait à démontrer à son futur qu’il ne serait jamais sourd avec elle.

— Il a eu trois maîtresses, disait le vieillard, et il avait une Adeline ! Pauvre Adeline !…

— Si vous voulez m’écouter, cria Lisbeth, vous profiterez de votre influence auprès du prince de Wissembourg pour obtenir à ma cousine une place honorable ; elle en aura besoin, car le traitement du baron est engagé pour trois ans.

— Je vais aller au Ministère, répondit-il, voir le maréchal, savoir ce qu’il pense de mon frère, et lui demander son active protection pour ma sœur. Trouvez une place digne d’elle…

— Les dames de charité de Paris ont formé des associations de bienfaisance d’accord avec l’archevêque ; elles ont besoin d’inspectrices honorablement rétribuées, employées à reconnaître les vrais besoins. De telles fonctions conviendraient à ma chère Adeline, elles seraient selon son cœur.

— Envoyez demander les chevaux ! dit le maréchal, je vais m’habiller. J’irai, s’il le faut, à Neuilly !

— Comme il l’aime ! Je la trouverai donc toujours, et partout, dit la Lorraine.

Lisbeth trônait déjà dans la maison, mais loin des regards du maréchal. Elle avait imprimé la crainte aux trois serviteurs. Elle s’était donné une femme de chambre et déployait son activité de vieille fille en se faisant rendre compte de tout, examinant tout, et cherchant, en toute chose, le bien-être de son cher maréchal. Aussi républicaine que son futur, Lisbeth lui plaisait beaucoup par ses côtés démocratiques, elle le flattait d’ailleurs avec une habileté prodigieuse ; et, depuis deux semaines, le maréchal, qui vivait mieux, qui se trouvait soigné comme l’est un enfant par sa mère, avait fini par apercevoir en Lisbeth une partie de son rêve.

— Mon cher maréchal ! cria-t-elle en l’accompagnant au perron,