Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/440

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tête dont les expressions balsamiques pansèrent les douleurs du gravier introduit par la présidente dans le cœur de Pons. Schmucke se frottait les mains à s’emporter l’épiderme, car il avait conçu l’une de ces inventions qui n’étonnent un Allemand que lorsqu’elle est rapidement éclose dans son cerveau congelé par le respect dû aux princes souverains.

Mon pon Bons ? dit Schmucke.

— Je te devine, tu veux que nous dînions tous les jours ensemble…

Che fitrais edre assez ruche bir de vaire fifre tu les churs gomme ça… répondit mélancoliquement le bon Allemand.

Madame Cibot, à qui Pons donnait de temps en temps des billets pour les spectacles du boulevard, ce qui le mettait dans son cœur à la même hauteur que son pensionnaire Schmucke, fit alors la proposition que voici : — Pardine, dit-elle, pour trois francs, sans le vin, je puis vous faire tous les jours, pour vous deux, n’un dîner n’à licher les plats, et les rendre nets comme s’ils étaient lavés.

Le vrai est, répondit Schmucke, que che tine mieix afec ce que me guisine montame Zipod que les chens qui mangent le vrigod di Roi…

Dans son espérance, le respectueux Allemand alla jusqu’à imiter l’irrévérence des petits journaux, en calomniant le prix fixe de la table royale.

— Vraiment ? dit Pons. Eh bien ! j’essaierai demain !

En entendant cette promesse, Schmucke sauta d’un bout de la table à l’autre, en entraînant la nappe, les plats, les carafes, et saisit Pons par une étreinte comparable à celle d’un gaz s’emparant d’un autre gaz pour lequel il a de l’affinité.

Kel ponhire ! s’écria-t-il.

— Monsieur dînera tous les jours ici ! dit orgueilleusement madame Cibot attendrie.

Sans connaître l’événement auquel elle devait l’accomplissement de son rêve, l’excellente madame Cibot descendit à sa loge et y entra comme Josépha entre en scène dans Guillaume Tell. Elle jeta les plats et les assiettes, et s’écria : — Cibot, cours chercher deux demi-tasses, au Café Turc ! et dis au garçon de fourneau que c’est pour moi ! Puis elle s’assit en se mettant les mains sur ses puissants genoux, et regardant par la fenêtre le mur qui faisait