Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 20.djvu/18

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légats, évesques, princes, ducs et margraves, comme elles auroyent pu faire de simples clercs desnuez d’argent. Le soir, après ses prières dictes, il essayoyt de parler à elles en s’apprenant le beau breviaire d’amour. Il s’interroguoyt à respondre à tous caz échéants. Et, le lendemain, si, vers complies, il rencontroyt quelqu’une desdictes princesses, en bon poinct, veautrée en sa litière, escortée de ses paiges bien armés, et fière, il demouroyt béant, comme chien attrapant mousches, à voir ceste frisque figure qui le brusloyt d’autant.

Le secrétaire de Monseigneur, gentilhomme périgourdin, luy ayant apertement demonstré que les pères, procureurs et auditeurs de rote, acheptoyent par force prezents, non relicques ou indulgences, mais bien pierreries et or, la faveur d’estre familiers chez les plus haultes de ces chattes choyées qui vivoyent sous la protection des seigneurs du concile, alors le paouvre Tourangeaud, tout nice et cocquebin qu’il estoyt, thezaurisoyt dans sa paillasse les angelotz à luy donnez par le bon archevesque pour travaulx d’escripture, espérant, ung iour, en avoir suffisamment, à ceste fin de veoir ung petit la courtisane d’ung cardinal, se fiant à Dieu pour le reste. Il estoyt deschaussé de la cervelle jusqu’aux talons, et ressembloyt autant à un homme qu’une chievre coëffée de nuict ressemble à une demoiselle ; mais, bridé par son envie, il alloyt, le soir, par les rues de Constance, peu soulcieux de sa vie ; et, au risque de se faire pertuisanner le corps par les soudards, il espionnoyt les cardinaulx entrant chez les leurs. Lors, il voyoyt les chandelles de cire s’allumant aussitost ez maisons ; et, soudain, reluisoyent les huys et les croizées. Puis, il entendoyt les benoistz abbez ou aultres se rigolant, beuvant, prenant du meilleur, énamourés, chantant l’Alleluia secret, et donnant de menus suffraiges à la musicque dont on les resgualoyt. Les cuisines faisoyent des miracles, et si disoyt-on des offices de bonnes pottées grasses et fluantes, matines de iambonneaux, vespres de goulées friandes et laudes de sucreries… Et, après les buvettes, ores, ces braves prebstres se taisoyent. Leurs paiges iouoyent aux dez sur les degrez, et les mules restives se battoyent dans la rue. Tout alloyt bien ! Mais aussy il y avoyt de la foy et de la religion. Voilà comment le bonhomme Hus fut brusle ! Et la cause ? Il mettoyt la main dans le plat sans en estre prié. Et doncques, pourquoy estoyt-il huguenot avant les aultres ?

Pour en revenir au petit gentil Philippe, souventes fois il receut