Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/502

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— Je me tairai, mais n’y revenez pas ! lui dit Marion en le menaçant du doigt, ou je le dirais à tout Angoulême.

Dès que le vieillard fut sorti, Marion monta chez sa maîtresse.

— Tenez, madame, j’ai soutiré douze francs à votre beau-père, les voilà…

— Et comment as-tu fait ?…

— Ne voulait-il pas voir les bassines et les provisions de monsieur, histoire de découvrir le secret. Je savais bien qu’il n’y avait plus rien dans la petite cuisine ; mais je lui ai fait peur comme s’il allait voler son fils, et il m’a donné deux écus pour me taire…

En ce moment, Basine apporta joyeusement à son amie une lettre de David, écrite sur du magnifique papier, et qu’elle lui remit en secret.

« Mon Ève adorée, je t’écris à toi la première sur la première feuille de papier obtenue par mes procédés. J’ai réussi à résoudre le problème du collage en cuve ! La livre de pâte revient, même en supposant la mise en culture spéciale de bons terrains pour les produits que j’emploie, à cinq sous. Ainsi la rame de douze livres emploiera pour trois francs de pâte collée. Je suis sûr de supprimer la moitié du poids des livres. L’enveloppe, la lettre, les échantillons, sont de diverses fabrications. Je t’embrasse, nous serons heureux par la fortune, la seule chose qui nous manquait. »

— Tenez, dit Ève à son beau-père en lui tendant les échantillons, donnez à votre fils le prix de votre récolte, et laissez-lui faire sa fortune, il vous rendra dix fois ce que vous lui aurez donné, car il a réussi !…

Le père Séchard courut aussitôt chez les Cointet. Là, chaque échantillon fut essayé, minutieusement examiné : les uns étaient collés, les autres sans colle ; ils étaient étiquetés depuis trois francs jusqu’à dix francs par rame ; les uns étaient d’une pureté métallique, les autres doux comme du papier de Chine, il y en avait de toutes les nuances possibles du blanc. Des juifs examinant des diamants n’auraient pas eu les yeux plus animés que ne l’étaient ceux des Cointet et du vieux Séchard.

— Votre fils est en bon chemin, dit le gros Cointet.

— Eh ! bien, payez ses dettes, dit le vieux pressier.

— Bien volontiers, s’il veut nous prendre pour associés, répondit le grand Cointet.

— Vous êtes des chauffeurs ! s’écria l’ours retiré, vous pour-