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Page:Balzac - Œuvres complètes Tome 5 (1855).djvu/455

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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

Le : Merci, mademoiselle, que dit Bathilde à Pierrette, était un poème en douze chants.

Elle s’appelait Bathilde et l’autre Pierrette. Elle était une Chargebœuf, l’autre une Lorrain ! Pierrette était petite et souffrante, Bathilde était grande et pleine de vie ! Pierrette était nourrie par charité, Bathilde et sa mère avaient leur indépendance ! Pierrette portait une robe de stoff à guimpe, Bathilde faisait onduler le velours bleu de la sienne ! Bathilde avait les plus riches épaules du département, un bras de reine ; Pierrette avait des omoplates et des bras maigres ! Pierrette était Cendrillon, Bathilde était la fée ! Bathilde allait se marier, Pierrette allait mourir fille ! Bathilde était adorée, Pierrette n’était aimée de personne ! Bathilde avait une ravissante coiffure, elle avait du goût ; Pierrette cachait ses cheveux sous un petit bonnet et ne connaissait rien à la mode ! Épilogue : Bathilde était tout, Pierrette n’était rien. La fière Bretonne comprenait bien cet horrible poème.

— Bonjour, ma petite, lui dit madame de Chargebœuf du haut de sa grandeur et avec l’accent que lui donnait son nez pincé du bout.

Vinet mit le comble à ces sortes d’injures en regardant Pierrette et disant — Oh ! oh ! oh ! sur trois tons. Que nous sommes belle, Pierrette, ce soir !

— Belle, dit la pauvre enfant, ce n’est pas à moi, mais à votre cousine qu’il faut adresser ce mot.

— Oh ! ma cousine l’est toujours, répondit l’avocat. N’est-ce pas, père Rogron ? dit-il en se tournant vers le maître du logis et lui frappant dans la main.

— Oui, répondit Rogron.

— Pourquoi le faire parler contre sa pensée ? Il ne m’a jamais trouvée de son goût, reprit Bathilde en se tenant devant Rogron. N’est-il pas vrai ? Regardez-moi.

Rogron la contempla des pieds à la tête, et ferma doucement les yeux comme un chat à qui l’on gratte le crâne.

— Vous êtes trop belle, dit-il, trop dangereuse à voir.

— Pourquoi ?

Rogron regarda les tisons et garda le silence. En ce moment mademoiselle Habert entra suivie du colonel. Céleste Habert, devenue l’ennemi commun, ne comptait que Sylvie pour elle ; mais chacun lui témoignait d’autant plus d’égards, de politesses et d’aimables