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Page:Balzac - Œuvres complètes Tome 5 (1855).djvu/470

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LES CÉLIBATAIRES : PIERRETTE.

pitamment à sa fenêtre, et entendit le long de ses persiennes le frôlement du papier de Brigaut. Elle serra les cordons de sa camisole et monta lestement chez Pierrette, qu’elle trouva détortillant la soie et dégageant la lettre.

— Ah ! je vous y prends, s’écria la vieille fille en allant à la fenêtre et voyant Brigaut qui se sauvait à toutes jambes. Vous allez me donner cette lettre.

— Non, ma cousine, dit Pierrette qui, par une de ces immenses inspirations de la jeunesse, et soutenue par son âme, s’éleva jusqu’à la grandeur de la résistance que nous admirons dans l’histoire de quelques peuples réduits au désespoir.

— Ah ! vous ne voulez pas ?… s’écria Sylvie en s’avançant vers sa cousine et lui montrant un horrible masque plein de haine et grimaçant de fureur.

Pierrette se recula pour avoir le temps de mettre sa lettre dans sa main, qu’elle tint serrée par une force invincible. En voyant cette manœuvre, Sylvie empoigna dans ses pattes de homard la délicate, la blanche main de Pierrette, et voulut la lui ouvrir. Ce fut un combat terrible, un combat infâme, comme tout ce qui attente à la pensée, seul trésor que Dieu mette hors de toute puissance, et garde comme un lien secret entre les malheureux et lui. Ces deux femmes, l’une mourante et l’autre pleine de vigueur, se regardèrent fixement. Les yeux de Pierrette lançaient à son bourreau ce regard du Templier recevant dans la poitrine des coups de balancier en présence de Philippe-le-Bel, qui ne put soutenir ce rayon terrible, et quitta la place foudroyé. Sylvie, femme et jalouse, répondait à ce regard magnétique par des éclairs sinistres. Un horrible silence régnait. Les doigts serrés de la Bretonne opposaient aux tentatives de sa cousine une résistance égale à celle d’un bloc d’acier. Sylvie torturait le bras de Pierrette, elle essayait d’ouvrir les doigts ; et n’obtenant rien, elle plantait inutilement ses ongles dans la chair. Enfin, la rage s’en mêlant, elle porta ce poing à ses dents pour essayer de mordre les doigts et de vaincre Pierrette par la douleur. Pierrette la défiait toujours par le terrible regard de l’innocence. La fureur de la vieille fille s’accrut à un tel point qu’elle arriva jusqu’à l’aveuglement ; elle prit le bras de Pierrette et se mit à frapper le poing sur l’appui de la fenêtre, sur le marbre de la cheminée, comme quand on veut casser une noix pour en avoir le fruit.

— Au secours ! au secours ! cria Pierrette, on me tue !