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URSULE MIROUET.

faites en votre nom pour racheter vos fautes. Je prierai Dieu tous les jours, afin d’obtenir de sa clémence infinie qu’il ne punisse pas éternellement les erreurs d’un jour, et qu’il mette près de lui, parmi les âmes des bienheureux, une âme aussi belle, aussi pure que la vôtre.

Cette réponse, dite avec une candeur angélique, prononcée d’un accent plein de certitude, confondit l’erreur, et convertit Denis Minoret à la façon de saint Paul. Un rayon de lumière intérieure l’étourdit en même temps que cette tendresse, étendue sur sa vie à venir, lui fit venir les larmes aux yeux. Ce subit effet de la grâce eut quelque chose d’électrique. Le curé joignit les mains et se leva troublé. La petite, surprise de son triomphe, pleura. Le vieillard se dressa comme si quelqu’un l’eût appelé, regarda dans l’espace comme s’il y voyait une aurore ; puis, il fléchit le genou sur son fauteuil, joignit les mains et baissa les yeux vers la terre en homme profondément humilié.

— Mon Dieu ! dit-il d’une voix émue en relevant son front, si quelqu’un peut obtenir ma grâce et m’amener vers toi, n’est-ce pas cette créature sans tache ? Pardonne à cette vieillesse repentie que cette glorieuse enfant te présente ! Il éleva mentalement son âme à Dieu, le priant d’achever de l’éclairer par sa science après l’avoir foudroyé de sa grâce, il se tourna vers le curé, et lui tendant la main : — Mon cher pasteur, je redeviens petit, je vous appartiens et vous livre mon âme.

Ursule couvrit de larmes joyeuses les mains de son parrain en les lui baisant. Le vieillard prit cette enfant sur ses genoux et la nomma gaiement sa marraine. Le curé tout attendri récita le Veni, Creator dans une sorte d’effusion religieuse. Cet hymne servit de prière du soir à ces trois chrétiens agenouillés.

— Qu’y a-t-il ? demanda la Bougival étonnée.

— Enfin ! mon parrain croit en Dieu, répondit Ursule.

— Ah ! ma foi, tant mieux, il ne lui manquait que ça pour être parfait, s’écria la vieille Bressane en se signant avec une naïveté sérieuse.

— Cher docteur, dit le bon prêtre, vous aurez compris bientôt les grandeurs de la religion et la nécessité de ses pratiques ; vous trouverez sa philosophie, dans ce qu’elle a d’humain, bien plus élevée que celle des esprits les plus audacieux.

Le curé, qui manifestait une joie presque enfantine, convint