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Page:Balzac - Œuvres complètes Tome 5 (1855).djvu/76

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URSULE MIROUET.

veuille lui faire déplacer ses rentes : j’y gagne des actes, des ventes, des affaires. Si je puis devenir son conseil, je lui proposerai d’autres placements en terre pour le surplus du capital, et j’en ai d’excellents à mon Étude. Une fois sa fortune mise en propriétés foncières ou en créances hypothécaires dans le pays, elle ne s’envolera pas facilement. On peut toujours faire naître des embarras entre la volonté de réaliser et la réalisation.

Les héritiers, frappés de la justesse de cette argumentation bien plus habile que celle de monsieur Josse, firent entendre des murmures approbatifs.

— Entendez-vous donc bien, dit le notaire en terminant, pour garder votre oncle à Nemours où il a ses habitudes, où vous pourrez le surveiller. En donnant un amant à la petite, vous empêchez le mariage…

— Mais si le mariage se faisait ? dit Goupil étreint par une pensée ambitieuse.

— Ce ne serait pas déjà si bête, car la perte serait chiffrée, on saurait ce que le bonhomme veut lui donner, répondit le notaire. Mais si vous lui lâchez Désiré, il peut bien lambiner la petite jusqu’à la mort du bonhomme. Les mariages se font et se défont.

— Le plus court, dit Goupil, si le docteur doit vivre encore long-temps, serait de la marier à un bon garçon qui vous en débarrasserait en allant s’établir avec elle à Sens, à Montargis, à Orléans, avec cent mille francs.

Dionis, Massin, Zélie et Goupil, les seules têtes fortes de cette assemblée, échangèrent quatre regards remplis de pensées.

— Ce serait le ver dans la poire, dit Zélie à l’oreille de Massin.

— Pourquoi l’a-t-on laissé venir ? répondit le greffier.

— Ça t’irait ! cria Désiré à Goupil ; mais pourrais-tu jamais te tenir assez proprement pour plaire au vieillard et à sa pupille ?

— Tu ne te frottes pas le ventre avec un panier, dit le maître de poste qui finit par comprendre l’idée de Goupil.

Cette grosse plaisanterie eut un succès prodigieux. Le maître-clerc examina les rieurs par un regard circulaire si terrible que le silence se rétablit aussitôt.

— Aujourd’hui, dit Zélie à Massin d’oreille à oreille, les notaires ne connaissent que leurs intérêts ; et si Dionis allait, pour faire des actes, se mettre du côté d’Ursule ?

— Je suis sûr de lui, répondit le greffier en jetant à sa cousine