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LES CONTES DRÔLATIQUES.

sa cure en ce siècle, veu qu’il estoyt fièrement moulé, hault en couleur, de belle corporence, grant, fort, mangeant et beuvant comme ung convalescent ; et, de faict, relevoyt tousiours d’une doulce maladie, qui le prenoyt à ses heures : doncques, plus tard il eust esté son propre bourreau, s’il eust voulu observer la continence canonicque. Adiouxtez à ce qu’il estoyt Tourangeau, id est, brun, et portant dans les yeulx du feu pour allumer et de l’eaue pour estaindre tous les fours de mesnaige qui vouloyent estre allumez ou estaincts. Aussy, iamais plus à Azay ne s’est veu curé pareil ! ung beau curé, quarré, frais, tousiours bénissant, hennissant ; aymant mieulx les nopces et baptesmes que les trespassemens ; bon raillard, religieux en l’ecclise, homme partout. Il y ha bien eu des curés qui ont bien beu et bien mangié ; d’aultres, qui ont bien bény, et certains moult henny ; mais, à eulx tous, ils faisoyent à grant poine en destail la valiscence de ce curé susdict ; et lui seul ha dignement remply sa cure de bénédictions, l’ha tenue en ioye et y ha consolé les affligées, tout si bien, que nul ne le voyoyt saillir de son logiz sans le vouloir mettre en sa fressure, tant il estoyt aymé. C’est luy qui, le premier, ha dict en ung prosne que le diable n’estoyt pas si noir qu’on le faisoyt, et qui, pour madame de Candé, transformoyt les perdrix en poissons, disant que les perches de l’Indre estoyent perdrix de rivière, et au rebours, les perdrix, perches de l’aër. Iamais ne feit de coups fourrez à l’umbre de la morale ; et souventes foys, railloyt en disant qu’il préféroyt estre couchié en ung bon lict que sur ung testament ; que Dieu s’estoyt fourny de tout et n’avoyt besoing de rien. Au resguard des paouvres et aultres, iamais ceulx qui vindrent quérir de la laine en son presbytère ne s’en allèrent tondus, veu qu’il avoyt tousiours la main à la poche et mollissoyt (luy qui, du reste, estoyt si ferme ! …) à la veue de toutes les misères, infirmitez, et se bendoyt à boucher toutes les playes. Aussy ha-t-on dict longtemps de bons contes sur ce roy des curés ! … C’est luy qui feit tant rire aux nopces du seigneur de Valesnes, près Sacché. Comme la mère dudict seigneur se mesloyt ung peu des victuailles, rostisseries et aultres appretz qui abundoyent tant que du moins on eust faict le plus d’ung bourg, mais il est vray, pour tout dire, que l’on venoyt à ces espousailles de Montbazon, de Tours, de Chinon, de Langeais, de partout, et pour huict iours.