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AVERTISSEMENT.

front rougit des bonnes franchises qui jadis faisaient rire les princesses et les rois, ont mis en deuil notre ancienne physionomie et persuadé au peuple le plus gai, le plus spirituel du monde, qu’il fallait rire décemment et sous l’éventail, sans songer que le rire est un enfant nu, un enfant habitué à jouer avec la tiare, l’épée et la couronne, sans connaître le danger.

Aussi, par les mœurs qui courent, l’auteur des Contes drolatiques ne peut être absous que par son talent ; et, justement effrayé de l’alternative, il n’avait voulu donner que ses dix premiers Contes ; mais nous, croyant beaucoup au public et beaucoup en l’auteur, nous espérons en éditer promptement dix nouveaux, ne redoutant ni le livre ni les reproches.

Ne serait-ce pas une inconséquence que de blâmer en littérature les essais encouragés au Salon et tentés par les E. Delacroix, les E. Devéria, les Chenavard, et par tant d’artistes voués au moyen âge ? Si l’on accueille la peinture, les vitraux, les meubles, la sculpture de la Renaissance, en proscrira-t-on les joyeux récits, les fabliaux comiques ?

Si le début de cette muse insouciante de sa nudité doit avoir besoin de chauds protecteurs et de bienveillants suffrages, peut-être ne nous manqueront-ils pas chez les gens dont le bon goût et la vertu ne sauraient être soupçonnés.

Le libraire devait cet avertissement à tout le monde ; quant aux réserves de l’auteur, elles font partie du livre.

Mars 1832.

Nous avons cru devoir reproduire cette préface, que l’auteur a mise en tête de la première édition du premier dixain sous le nom du libraire et qui résume clairement son opinion personnelle sur la portée morale de son ouvrage. L’auteur de la Comédie humaine, dont le génie est d’une si puissante moralité dans l’ensemble de ses idées et de ses œuvres, s’était préoccupé des objections pharisaïques qu’on pouvait élever contre un livre qu’il regardait avec raison comme son chef-d’œuvre, et, comme on le voit, il y avait répondu avec ce sens profond et péremptoire qui met la lumière à la place de la discussion.

Le livre de Balzac, en effet, n’est pas seulement un livre d’art à la manière du Don Juan, du Pantagruel, des poèmes de Pulci, etc., lesquels brillent au premier rang dans la bibliothèque des esprits les plus sévères ; c’est de plus, il ne faut pas l’oublier, un livre d’archéologie littéraire. Dans un temps qui fut une époque de rénovation et que les historiens de la littérature auront à juger, Balzac, jeune, ardent, à cet