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CONTES DRÔLATIQUES.

turier se veirent soubz le manteau d’une haulte cheminée, accottez sur ung banc bien guarny de veloux ; puis la curieuse Régente de demander aussytost à Iacques d’une voix mignarde : — Estes-vous point meurdry ! Ie suis bien maulvaise de avoir faict chevaulcher pendant douze mille ung gentil serviteur navré tout à l’heure par ung des miens. I’estoys tant en poine que ie n’ay point voulu me couchier sans vous avoir veu. Ne souffrez-vous point ?

— Ie souffre d’impatience, feit le sire au douzain, existimant que il falloyt ne point resnagler en ceste occurrence. — Bien vois-je, reprint-il, ma noble et toute belle maistresse, que vostre serviteur ha trouvé graace devant vous.

— Là ! là ! respondit-elle, ne mentiez-vous pas alors que vous me disiez… ?

— Quoy ? feit-il.

— Mais, me avoir suyvie ceste douzaine de fois aux ecclises et aultres lieux où i’alloys de ma personne.

— Certes, dit-il.

— Doncques, respondit la Régente, ie m’estonne de n’avoir veu que auiourd’huy ung preux ieune homme dont le couraige est si bien engravé dedans les traicts. Ie ne me dédis point de ce que vous avez entendu quand ie vous cuydoys navré. Vous m’agréez et vous veulx bien faire.

Lors, l’heure du sacrifice diabolicque estant sonnée, Iacques tomba aux genoilz de la Régente, luy baisa pieds, mains, tout, dict-on. Puis, en baisant et faisant ses préparatoires, prouva par maint argument à la vieille vertu de sa souveraine que une dame portant le faix de l’Estat estoyt bien en droict de s’esbattre ung petit. Licence que n’admit point ladicte Régente, laquelle tenoyt à estre forcée, affin d’enchargier son amant de tout le péché. Ce néantmoins, comptez que elle s’estoyt, par advance, trez-bien parfumée, attornée de nuict et reluisoyt de ses dezirs d’accointance, dont la haulte couleur luy prestoyt ung fard de bon aloy, lequel luy avoyt bien esclaircy le tainct. Et, maulgré sa molle deffense, feut, comme ung tendron, emportée d’assault en son lict royal, où la bonne dame et le ieune douzainier s’espousèrent en conscience. Là, de ieux en noize, de noize en riottes,