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CONTES DRÔLATIQUES.

Par nous ha esté demandé pourquoy parloyt-elle nostre languaige. Par elle qui parle ha esté dict : Pour ce que elle est venue en ce pays.

Par nous ha esté demandé : En quel temps ? Par elle qui parle ha esté dict : Environ douze ans.

Par nous ha esté demandé en quel aage lors estoyt-elle. Par elle qui parle a esté dict : Quinze ans, ou peu s’en fault.

Par nous ha esté dict : Doncques vous recognoissez avoir vingt et sept années ? Par elle qui parle ha esté dict : Oui.

Par nous ha esté dict à elle que elle estoyt doncques la Morisque treuvée en la niche de madame la Vierge, puis baptizée par l’archevesque, tenue sur les fonts par le feu seigneur de la Roche-Corbon et la damoiselle d’Azay son espouse ; puis, mise par eulx en religion au moustier du Mont-Carmel, où par elle auroyent esté faicts vœux de chasteté, paouvreté, silence et amour de Dieu, soubz la divine assistance de saincte Claire. Par elle qui parle ha esté dict : Cela est vray.

Par nous luy ha esté demandé si lors elle tenoyt pour évidentes les déclarations de la trez noble et inclyte dame abbesse du Mont-Carmel, et aussy le dire de la Iacquette, dite Vieulz-Oing, souillarde ez cuisines. Par elle qui parle ha esté dict : Leurs paroles estre vrayes pour la plus grant part.

Lors, par nous luy ha esté dict : Doncques vous estes chrestienne ? Et par elle qui parle ha esté respondu : Oui, mon père.

En ce moment, par nous ha esté requise de faire le signe de la croix et de prendre eaue benoiste en ung benoistier mis par Guillaume Tournebousche iouxte sa main ; ce que ayant faict, et par nous ayant esté veu, ha esté admis comme ung faict constant que Zulma la Mauritaine, dicte en nostre pays Blanche Bruyn, moynesse du moustier soubz l’invocation du Mont-Carmel, y nommée sœur Claire et soupçonnée estre une faulse apparence de femme soubz laquelle seroyt ung démon, ha, en nostre présence, faict acte de religion et recogneu par ainsy la justice du tribunal ecclésiasticque.

Lors, par nous luy ont esté dictes ces paroles : Ma fille, vous estes véhémentement soupçonnée d’avoir eu recours au diable en la manière dont vous estes yssue du couvent, laquelle ha esté supernaturelle de tout poinct. Par elle qui parle ha esté dict : Avoir en ce temps naturellement gaigné les champs par l’huys de la rue, après vespres, soubz la robbe de dom Jehan de Marsilis, visi-