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CONTES DROLATIQUES.

debvoyt se tenir saige ; estre à ses voulentez, faulte de quoy elle ne sçauroyt lui donner son ame et sa vie ; et que ce estoyt peu de chouse que d’offrir à sa maistresse ung dézir ; et que elle estoyt plus couraigeuse, pour ce que, aymant plus, elle sacrifioyt davantaige ; puis, à proupos, vous laschioyt ung : « Laissez cela ! » dict d’un air de royne. Puis elle prenoyt à temps ung air faschié pour respondre aux reprouches de Cappara : — Si vous n’estes comme ie veulx que vous soyez, ie ne vous aymeray plus.

Brief, ung peu plus tard, le paouvre Italian veit bien que ce ne estoyt point ung noble amour, ung de ceulx qui ne mesurent pas la ioye comme ung avare ses escuz, et que enfin ceste dame prenoyt plaisir à le faire saulter sur la couverture et à le laisser maistre de tout, pourveu que il ne touchiast point au ioly plessis de l’amour. A ce mestier, le Cappara devint furieux à tout tuer, et print avecques luy de bons compaignons, ses amys, auxquels il bailla la charge d’attaquer le mary pendant le chemin que il faisoyt pour venir se couchier en son logiz, après la partie de paulme du Roy. Luy vint à sa dame en l’heure accoustumée. Quand les doulx ieux de leur amour feurent en bon train, lesquels ieux estoyent baisers bien dégustez, cheveulx bien enroulez, desroulez, les mains mordues de raige, les aureilles aussy, enfin tout le traffic, moins ceste chouse espéciale que les bons autheurs treuvent abominable avecques raison, vécy Florentin de dire entre deux baisers qui alloyent un peu loing : — Ma mye, m’aymez-vous plus que tout ?

— Oui ! feit-elle, — veu que les paroles ne leur coustent iamais rien.

— Hé bien, repartit l’amoureux, soyez toute à moy.

— Mais, feit-elle, mon mari va venir.

— N’est-ce que cela ?

— Oui.

— I’ay des amys qui l’arresteront et ne le laisseront aller que si ie mets ung flambeau en ceste croisée. Puis, s’il se plainct au Roy, mes amys diront que ils cuydoient faire le tour à ung des nostres.

— Ha ! mon amy, dit-elle, laissez-moy veoir si tout est bien céans muet et couchié.

Elle se leva et mit la lumière à la croisée. Ce que voyant, messer Cappara souffle la chandelle, prend son espée, et se plaçant en face de ceste femme dont il cogneut le mespris et l’ame feslonne :