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DESESPERANCE D’AMOUR.

— Ie ne vous tueray pas, madame, feit-il ; mais ie vais vous estafiler le visaige, en sorte que vous ne coquetterez plus avecques de paouvres ieunes amoureux dont vous iouez la vie ! Vous m’avez truphé honteusement, et n’estes point une femme de bien. Vous sçaurez que ung baiser ne se peut essuyer iamais en la vie d’ung amant de cueur, et que bouche baisée vault le reste. Vous m’avez rendu la vie poisante et maulvaise à tousiours : doncques ie veux vous faire éternellement songier à ma mort, que vous causez. Et, de faict, vous ne vous mirerez oncques en vostre mirouër sans y veoir aussy ma face. Puis il leva le bras et feit mouvoir l’espée pour tollir ung bon morceau de ces belles ioues fresches en lesquelles il y avoyt trace de ses baisers. Lors la dame luy dit qu’il estoyt ung desloyal.

— Taisez-vous ! feit-il ; vous m’avez dict que vous m’aymiez plus que tout. Maintenant vous dictes aultre chouse. Vous me avez attiré en chaque vesprée ung peu plus hault dans le ciel, vous me gectez d’ung coup en enfer, et vous cuydez que vostre iuppe vous saulvera de la cholère d’ung amant Non.

— Ha ! mon Angelo, ie suis à toy ! feit-elle, esmerveiglée de cet homme flambant de raige.