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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/107

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sommes rendu compte, M. de Sallenauve et moi, de la manière dont Rastignac avait pu être renseigné sur l’existence des pièces soustraites, M. de Trailles est à Montevideo chargé d’une mission secrète ; là il a dû voir le marquis de Sallenauve qui, au courant de bien des choses, a pu commettre des indiscrétions. Ainsi il y a déjà deux personnes pour le moins au courant de toute l’affaire : Rastignac et M. de Trailles.

— Vous avez raison, dit Vautrin, il n’y a pas un moment à perdre ; mais comment entendez-vous que doive être prise la question ?

— Rentrer dans la possession des lettres qui nous appartiennent, me paraît d’abord un point de première importance. Quand on n’aura plus qu’à se débattre contre des allégations séparées de leurs preuves, on pourra mieux faire tête à l’ennemi.

— Dans toute affaire, dit Vautrin, où l’on veut réussir, il faut avoir un but défini ; le nôtre, en effet, doit être de rentrer dans la possession de ces compromettantes archives. Mais je suis fort en poursuivant ce résultat. Je n’ai rien à ménager ; je ne tiens pas à ma position, et, en menaçant Rastignac de faire connaître l’œuvre ténébreuse dont je n’ai eu que la complicité…

— Faites attention, dit Bricheteau, en l’interrompant, que ce n’est pas là un moyen : c’est tout au plus une ressource. Quand nous en serons réduits à un éclat, nous serons déjà bien malades ; dans l’explosion de la mine que vous feriez jouer sous le fauteuil ministériel de Rastignac, on ne peut se le dissimuler, il peut y avoir pour nous de cruelles éclaboussures.

— Vous avez raison, dit Vautrin, je bats la campagne. Je ne sais rien de ce que je veux et de ce que je dois faire. Depuis le moment où je vous ai quitté, je n’ai pensé qu’au bonheur si peu mérité de cette paternité qui vient tout à coup de luire dans ma vie. Soyez tranquille, je vais me recueillir, étudier nos chances et celles de nos ennemis. Je ne passe pas pour un diplomate trop maladroit, et j’ai eu souvent le dessus dans des affaires où le bon droit, à beaucoup près, n’était pas aussi clairement de mon côté.

— Il ne faut pas s’y tromper, dit Bricheteau, c’est là