Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/150

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» — Enfin, me voici et je vous écoute, dit Rastignac en prenant de lui-même un siège que l’on oubliait de lui offrir.

» — Si vous le permettez, dit Saint-Estève, nous attendrons pour commencer que M. le comte Maxime de Trailles soit présent. Il serait inutile de mettre en deux tomes une communication où vous et lui, monsieur le comte, avez un même intérêt.

» En même temps il sonna et dit au domestique qui aussitôt se présenta :

» — Avertissez la personne qui est chez le baron, que madame la comtesse est disposée à le recevoir.

» Il se fit ensuite un silence assez embarrassant pour tous.

» — Comment se porte monsieur le baron de Nucingen ? demanda la soi-disant comtesse pour occuper le tapis.

» — Très bien, madame, répondit Rastignac ; il était chez moi ce matin, et il m’a chargé de vous dire qu’un de ces jours il aurait l’honneur de vous voir, et comme sa compatriote et comme sa cliente.

» À ce moment, le domestique annonça M. le comte Maxime de Trailles ; son étonnement fut encore plus marqué que celui du ministre.

» En voyant Rastignac, comme on fait d’instinct quand on rencontre un homme de connaissance dans un lieu où l’on se sent fourvoyé, il alla à lui et lui donna la main ; ce fut seulement après avoir cédé à ce premier mouvement que, s’adressant à la maîtresse de la maison, il lui demanda madame la comtesse de Werchauffen.

» — C’est à elle, dit Saint-Estève, se chargeant de la réponse, que vous avez l’honneur de parler.

» — Ça ! dit M. de Trailles en regardant attentivement la vieille femme ; mais j’ai connu madame, il me semble, sous un tout autre nom.

» — Effectivement, répondit la soi-disant comtesse, je m’appelle aussi quelquefois madame Saint-Estève, de même que mon neveu ici présent s’est appelé le comte Halphertius à l’occasion.

» Le gendre des Beauvisage parut prêt à tomber de son haut, et dit à Rastignac :