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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/172

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Anges de m’accorder le secours de ses prières, car il n’y a que Dieu qui puisse me conduire : le courage, la force et la prudence d’un homme ne peuvent rien dans une lutte pareille, si ce n’est de faire de lui un instrument passif, persistant et résigné. »

Au mois de juin 1842, autre lettre de Sallenauve à Jacques Bricheteau :

« Cher ami, écrivait-il, j’avais calomnié mon vénérable père, j’entends mon père officiel, celui qui est sorti pour moi de cette folle conspiration par laquelle je devais être élevé au trône du Paraguay.

» Il n’a pas pris, comme je l’avais supposé, le parti d’aller se faire espion du dictateur Rosas : il s’est avisé de quelque chose de plus ingénieux.

» Quand la Luigia quitta la France, son dessein, vous le savez mieux que personne, était de se rendre aux États-Unis, où vous avez appris son succès immense, et ensuite de se faire entendre à Rio-de-Janeiro. Dans cette ville où, dit-on, il y a une salle d’opéra comparable à celle de Milan, le goût de la musique est excessivement répandu.

» Déjà, depuis plus de six mois, les journaux de Montevideo sont remplis du récit des ovations dont le beau talent de notre amie est l’objet dans la capitale du Brésil ; mon noble père, se sentant aux expédients, a bâti une combinaison là-dessus.

» Je reçois une lettre de la grande artiste, m’annonçant qu’elle a vu le marquis de Sallenauve, et qu’elle a su par lui tous mes malheurs.

» Ruiné par une banqueroute, à ce qu’a raconté ce misérable, j’ai été forcé de donner ma démission de mon siège à la Chambre et je suis venu le retrouver dans l’Uruguay, où lui-même n’attendait que l’arrivée de ma mère pour achever, par son mariage avec elle, de régulariser complètement ma position de famille.

» Mais ma mère, retenue prisonnière au Paraguay, n’a pu venir nous rejoindre ; en attendant, toutes nos ressources se sont épuisées, et, mourant d’une maladie de langueur, je me serais décidé à députer le marquis à la Luigia, pour lui demander quelques secours d’argent.

» Heureuse de s’acquitter avec moi, la Luigia lui a