Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tendance, il n’y a guère d’innocence qui puisse se croire en sûreté.

— Je précise, reprit Sallenauve : avant-hier, vous dîniez au Café de Paris ; la conversation serait venue à tomber sur un projet de mariage qui existe publiquement entre moi et madame la comtesse de l’Estorade ; est-il vrai que ce mariage vous ait paru fort singulier ?

— Oui, monsieur, répondit Maxime d’un ton léger, il m’a plu de trouver ce projet étrange, du côté de madame de l’Estorade, bien entendu ; mais j’aurai l’honneur de vous faire remarquer que mon étonnement n’a pas pris sa source dans la connaissance des choses secrètes que j’avais pris l’engagement d’ignorer. Vous-même avez donné la plus grande publicité au côté maternel de votre naissance, et il y a là, selon moi, tout ce qu’il faut pour rendre une alliance avec vous peu désirable.

— C’est une affaire de goût, répondit Sallenauve, et ce n’est pas sur ce point que je vous rechercherais ; mais, si je suis bien informé, vous avez ajouté qu’il y avait sur mon compte beaucoup d’autres choses compromettantes que tout le monde ignore, bien que tout le monde les soupçonne.

— Effectivement, répondit Maxime, j’ai pu très bien dire cela.

— Eh bien ! monsieur, en parlant ainsi, vous vous êtes laissé entraîner hors des limites qui vous étaient permises, à ce que j’ai appelé des insinuations vagues et sourdes ; je n’hésite donc pas à vous dire que vous êtes un malhonnête homme, attendu que vous ne tenez pas à vos engagements.

— Monsieur, dit Maxime en se levant, vous le prenez sur un ton que je n’ai jamais souffert de personne.

— Je le sais, monsieur, répliqua Sallenauve, et c’est sur l’espérance que vous ne les souffrirez pas, que je mesure la force de mes expressions.

— Eh bien ! monsieur, il n’y a pas besoin de tant de paroles. Vous voulez avoir une affaire avec moi, rien n’est plus simple et plus facile : veuillez me dire où mes témoins pourront rencontrer les vôtres ; dès demain, la chose peut être vidée…

— Permettez, dit Sallenauve, mon avis est que la vie