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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/268

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avec nous ; nous n’en ferons pas une béguine, ce n’est pas là le ton de notre maison, mais nous mettrons un peu plus d’ordre dans ses idées ; notre mère supérieure est admirable pour ces sortes de redressements, et moi-même j’ai éprouvé ce que ses conseils et ses enseignements peuvent faire pour la santé d’une âme malade.

» Déjà elle a obtenu un heureux résultat : celui de persuader à ma mère et à M. de Maucombe de régulariser leur situation. Aussitôt que le délai nécessaire sera écoulé, nous serons vraiment et dignement sœurs, et nous pourrons nous aimer sans peur et sans reproche, si je parviens à vous inspirer les sentiments que j’éprouve pour vous.

» Naïs dit que vous êtes excessivement pieuse ; consultez votre confesseur, il vous dira que, devant notre sainte mère l’Église, les seconds mariages ne jouissent pas d’une grande faveur. Lorsque, de la première union, il y a des enfants en âge de raison, il est rare que les secondes noces n’amènent pas de grands troubles dans les familles ; et les premières elles-même, témoins celles dont je suis née, sont-elles souvent heureuses ?

» Mais voilà que la religieuse se montre ici plus que de raison, et, au lieu de causer avec vous, ma chère sœur, je prêche ; les sermons les meilleurs n’étant certainement pas les plus longs, je m’arrête ici en vous embrassant de cœur.

 » Mariana de L.
 » En religion sœur Eudoxie. »

Pendant que Sallenauve lisait cette lettre, qui venait bien nettement trancher la fin de deux de ses rêves de cœur, madame de l’Estorade avait parlé à Armand.

La lecture achevée, celui-ci s’approcha de M. de Sallenauve :

— Monsieur, lui dit-il, pour vous prouver à quel point la raison m’est revenue, avec l’autorisation de ma mère, je m’empresse de vous exprimer tout le bonheur que j’aurais à être votre beau-frère.

— Ah ! tu y viens donc aussi, dit René en serrant la main à Armand.

— Madame votre mère, répondit Sallenauve, sait que, dans tous les cas, quelque délai est nécessaire avant que