Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/269

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cette question puisse être résolue, et nous sommes payés pour savoir qu’entre un mariage fait et un mariage à faire il y a souvent des abîmes. Quant à présent, je pars avec Bricheteau pour l’Italie, où je suis appelé par d’impérieux devoirs. Veuillez donc, madame, ajouta-t-il en saluant cérémonieusement madame de l’Estorade, recevoir nos adieux.


IV

LE GRENAT


En choisissant Milan pour lieu du rendez-vous donné à son père, Sallenauve, avait assez marqué le dessein d’aller demander à l’Italie cette hospitalité, qu’avant lui, tant de grandeurs déchues ont eu l’instinct d’aller y chercher. Sans parler de ses grands aspects et de ses grands souvenirs, qui promettent à l’âme tant de distractions puissantes, ce pays, au milieu de cette foule d’étrangers par lesquels il est sans cesse sillonné, offre aux âmes curieuses de l’oubli et du silence, de merveilleux trésors d’incognito et de vie facile et libre qui l’ont fait comparer à un grand hôtel garni européen.

La résolution prise tout à coup pour le besoin de la cause, quand il s’agissait d’écarter un fâcheux, placé sur le chemin de son duel, Sallenauve, par la réflexion, ne fit que s’y confirmer.

Son intention était d’ailleurs de retourner à sa chère sculpture, que plus d’une fois il s’était reproché d’avoir désertée. À la suite de tant de déceptions et d’orages, le cri échappé à Bricheteau le jour du début de la Luigia n’avait pu manquer de lui revenir en mémoire.

— Oui, s’était-il dit, l’art seul est grand ! et son manteau pourpre et or est assez ample pour dérober dans ses plis toutes les misères de ma naissance quand même elles viendraient à être révélées. L’artiste commence à lui. Personne ne pense à lui demander compte de son