Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/281

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Quelques minutes plus tard, un chasseur, c’est-à-dire un de ces valets de pied qui portent un habit vert, des plumes de coq sur leur chapeau et des épaulettes de général, remettait respectueusement à Sallenauve un billet parfumé.

Il n’y avait pas moyen de s’y tromper : la Luigia seule pouvait écrire :

» Une ancienne amie de M. de Sallenauve, la duchesse d’Almada, aurait plus que de la joie à le revoir ; elle désire causer avec lui d’intérêts graves et lui fait demander à quelle heure elle pourra espérer un moment d’entretien. »

— Dites que je vous suis, répondit Sallenauve au messager ; et, en même temps, appelant un de ses gens : Quelqu’un pour me conduire chez la duchesse d’Almada.

— Votre cocher, excellence, vous conduira, répondit le domestique ; la voiture est attelée, il ne s’agit que de la faire avancer au bas du perron.

— Toujours les Mille et une Nuits ! dit Sallenauve : puis, prenant son chapeau, Bricheteau, ajouta-t-il, vous ne m’accompagnez pas ?

— Non, l’entretien me paraît devoir être très particulier, je crois que je serais de trop.

Sallenauve n’insista pas, et, en moins d’un quart d’heure, il était transporté dans le salon de la duchesse.

La Luigia, car c’était bien elle, le reçut avec des façons pleines d’élégance ; il ne restait plus rien chez elle de la Transteverine et de la comédienne. Elle était merveilleusement belle, plus belle même qu’elle n’avait jamais été, car, s’étant formé au contact du monde élevé dans lequel elle vivait depuis plusieurs années, elle était devenue, dans l’acceptation la plus élevée du mot, duchesse et grande dame. On eût dit qu’elle était née dans la sphère où seulement elle était montée.

— Comment se porte le duc d’Almada ? demanda Sallenauve, essayant de se tirer par cette question un peu perfide de l’embarras qu’il se reprochait d’éprouver.

— Mon père, répondit la Luigia, je l’ai perdu il y a près d’une année ; vous voyez, j’en porte encore le deuil.

— Votre père ?

— Oui, peu après votre départ du Brésil, le duc apprit