Aller au contenu

Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les changements que le temps et des soins particuliers avaient apportés à sa personne ; et même, je le lui ai dit à un relais de poste où nous avions une altercation pour des chevaux qu’il voulait avoir, quoique je fusse arrivé le premier.

— Eh bien ! c’est justement pour ça que tu le retrouves aujourd’hui ici. De se voir ainsi reconnu lui a tourné la tête, à ce pauvre homme, ainsi que d’apprendre, qu’en son absence, sa femme avait reçu un Marseillais, son ancien galant : Faut que je meure, s’est-il dit alors, d’où tu as vu son enterrement.

— Mais personne n’a soupçonné alors un suicide, on a parlé d’une attaque d’apoplexie ; d’ailleurs, s’il était mort, encore un coup, comment te l’aurait-on tué ici ?

— Ah ça ! tu ne te rappelles donc pas qu’il a sa manière de mourir à lui, qui est d’être encore vivant, quand on a soin de lui faire prendre une contre-mort, dans les quarante-huit heures qui suivent sa léthargie. C’est pour cela qu’il est venu me trouver, la veille qu’il devait s’assoupir, en me chargeant d’aller le réveiller dans son tombeau à Marcoussis. C’est le plus grand chimiste, vois-tu, qui ait existé : il a fait des découvertes magnifiques, dont il n’a jamais dit le secret à personne. C’est avec le même trompe la mort, pendant que tu étais au pré, qu’il t’a subtilisé Catherine Goussard et qu’il l’a emmenée avec lui dans les pays étrangers. Mais il l’a plantée là, et après s’être embâtée pendant des années de la belle madame de Lanty, qui lui faisait des traits ; quoiqu’il m’en voulût de ce que je n’avais pas déposé, disait-il, comme il faut, dans son procès criminel, au dernier moment il a pensé à moi, parce que, vois-tu ? la chanson est vrai : On revient toujours…

— Alors, dit Vautrin, quand tu m’as annoncé que tu ne partais plus et que tes idées étaient changées ?…

— Eh donc ! répondit la Saint-Estève, je trouvais plus gentil de partir avec un ancien ami, qui ne serait pas toujours à me rassoter de son fils, de son repentir et de sa vertu.

— Et c’est ici que vous vous rendiez en quittant la France ?

Jacqueline Collin ne répondit pas d’abord à cette ques-