Aller au contenu

Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit administré par des lapins de la force de Beauvisage.

Après un peu de résistance, Sallenauve, voyant qu’il avait affaire à un parti pris irrévocable, finit par accepter, se promettant bien en effet de faire profiter les gens d’Arcis de cette libéralité, qui accusait dans son étoile une continuité de prospérité vraiment extraordinaire ; raison de plus, peut-être, pour craindre un amer réveil à l’approche des révélations qui lui étaient annoncées.

Le reste du temps que Sallenauve passa dans la petite ville champenoise fut employé à entendre, sur le luxe et les grands airs que les Beauvisage déployaient à Paris, une incroyable quantité de bavardages. Le bruit courait aussi dans le monde de mesdames Marion et Mollot, que Maxime, dont on ignorait la mission secrète, avait été obligé de se sauver en Belgique, pour échapper aux poursuites de ses créanciers. Quelques versions allaient même jusqu’à le présenter comme emprisonné à Clichy.

Par l’intermédiaire d’Achille Pigoult, un rapprochement fut ménagé entre Sallenauve et les Giguet, qui acceptèrent un dîner au château. À son tour, Sallenauve parut à l’une des fameuses soirées de madame Marion, et fut invité à manger chez madame Giguet. Là, il eut le spectacle d’un très bon ménage, Simon ayant tenu comme mari tout ce que la mère Marie-des-Anges en avait prédit à Ernestine.

En somme, quand le député quitta le pays, il ne laissa de gens lui restant hostiles que les fonctionnaires, tenus par état à lui vouloir du mal, et le comte de Gondreville, devenant de jour en jour un adversaire moins redoutable, car la mort de Grevin lui avait porté un terrible coup, et sans qu’on pût dire précisément le nom de sa maladie, il présentait tout l’aspect d’une asthénie sénile de plus en plus caractérisée ; dans cet état, il pouvait vivre encore quelques années, mais c’était néanmoins un homme fini, qui n’avait plus qu’une existence végétative, et il ne se rendait plus à Paris même pour les sessions.

Le jour où Sallenauve fut de retour à Ville-d’Avray, le médecin lui demanda avec instance de remettre jusqu’au lendemain matin son entrevue avec Bricheteau. Le malade avait pris ce jour-là une médecine, et un grand repos lui était nécessaire.