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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/70

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mienne. J’avais donc l’honneur de vous dire que vous descendiez de Danton seulement par les femmes. Un meunier d’Arcis, nommé Laurent Goussard, et qui, sans le savoir, lorsqu’il s’occupait si chaudement de votre élection, travaillait tout simplement pour son petit-neveu, avait une sœur nommée Françoise Goussard, dont la beauté aussi bien que le caractère étaient remarquables. Avant que Danton se mariât, il avait eu de cette femme une fille qui, ne portant d’autre nom que le nom de sa mère s’appela Catherine Goussard, et eut l’honneur de vous mettre au monde, à Paris, dans les environs de 1809.

— Vit-elle encore ? demanda vivement le député, emporté à interrompre par un sentiment qui se conçoit.

— Oui, monsieur, répondit Rastignac, elle est encore vivante ; mais avant d’en venir au fait culminant de votre naissance, je dois insister sur quelques détails de famille.

— Enfin, reprit Sallenauve, ma mère existe, vous me l’assurez ?

— Je le crois du moins, car, à la distance qui vous sépare, bien des événements peuvent se passer qui ne soient connus en France qu’après un laps de temps assez long ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elle était bien portante à la date des dernières nouvelles que l’on a eues d’elle, et ces nouvelles ne remontent pas à plus de trois mois.

— Poursuivez, monsieur, je puis maintenant apprendre beaucoup de malheurs.

— Comme je vous l’ai dit, reprit le ministre, Françoise Goussard, votre grand’mère, était une femme d’une énergie peu commune, et elle en donna la preuve à l’époque de la mort de Danton. Quand elle apprit qu’il était traduit au tribunal révolutionnaire, elle était à Arcis auprès de Laurent Goussard, élevant sa fille, votre mère, qui pouvait alors avoir quatre ans environ.

— Danton, s’écria Sallenauve, est mort en 1794 ; quatre ans à cette époque ! mais alors, monsieur, ma mère serait jeune encore ; elle n’aurait pas plus de quarante-huit ans !

— Votre calcul, répondit froidement Rastignac, me paraît fort juste ; mais, pour en revenir à votre grand’mère, aussitôt qu’elle fut avisée du danger suspendu sur la tête de l’homme qu’elle continuait d’aimer, malgré le mariage contracté peu avant par Danton, et qui mettait