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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/77

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condamnée, ne pardonnait point à Catherine Goussard de n’avoir pas suivi la direction qu’elle avait entendu imprimer à sa vie. Pour être reçue en grâce, il aurait fallu que la pauvre enfant consentît à reprendre la question Gondreville au point où elle était restée. Ayant, au contraire, rencontré une invincible résistance et croyant même entrevoir des projets de rupture, un soir mademoiselle Collin arrive chez Catherine Goussard d’un air menaçant et l’injure à la bouche : « Pour me faire voir des couleurs, lui dit-elle dans son affreux langage, il faut, ma petite, quelqu’un d’un peu plus malin que vous ; nous voulons prendre la clé des champs, et pas pour retourner à Arcis, où nous n’oserions certainement pas nous présenter, dans l’état intéressant où nous nous trouvons… »

— Comment, monsieur ? fit vivement Sallenauve.

— Sans doute, dit Rastignac. Je vous ai dit que vous étiez né à Paris, en 1809 ; par conséquent, au mois de juillet 1808, déjà vous deviez commencer de pointer à l’horizon.

Sallenauve se leva, fit quelques tours dans la pièce où se passait la scène, puis, sans se rasseoir, et continuant de se promener avec agitation :

— Veuillez continuer, dit-il au questionnaire.

— En même temps, poursuivit Rastignac, l’odieuse Jacqueline tira de sa poche une lettre, et, avant de la remettre à Catherine, « ce n’est pas tout, ma chère belle, lui dit-elle avec un horrible cynisme, que de faire des enfants, il faut encore les pondre ; » et en même temps elle lui donna la lettre dont elle était chargée pour elle. Après l’avoir lue, votre mère tomba sans connaissance.

— Mon Dieu, que contenait-elle ? demanda le député avec émotion.

— À peu près ceci : « Ma pauvre bonne, nos beaux jours sont passés. Je viens d’être arrêté pour une affaire malheureusement assez grave et qui doit amener un procès dont il est impossible de prévoir l’issue. La respectable amie qui te remettra cette lettre est chargée de te conduire chez une sage-femme de ma connaissance où tu seras entourée de tous les soins nécessaires. Conserve-toi pour l’enfant que tu portes dans ton sein, et