Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/92

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la cache où tout était déposé. Voyez vous-même si des gens, qui se seraient contentés de chercher à se faire rafle de ce qu’il y avait de précieux dans la maison et qui n’eussent pas été avisés de l’existence du coffret, devaient être conduits par le hasard à mettre la main dessus ?

— Il est vrai qu’il a fallu bien chercher.

— Les Beauvisage, continua Bricheteau, n’ont pu faire le coup. Aussitôt le vol commis, les papiers allant à eux, cela ne se comprendrait pas mieux. Si Maxime de Trailles eût été là pour les conseiller, je ne dis pas, c’est un habile meneur d’intrigues ; mais ma tante, qui m’écrivait l’autre jour, en me racontant la visite que vous lui aviez faite, et beaucoup de bruits qui couraient en ce moment à Arcis, me disait qu’on croyait ce gentilhomme passé en Belgique pour éviter les poursuites de ses créanciers.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria Sallenauve, quel trait de lumière !

— Comment ? demanda Bricheteau avec émoi.

— Au milieu de la torture que me donnait Rastignac, ce rapprochement m’avait échappé. Ce soir même, chez madame d’Espard, on disait Maxime à Montevideo, chargé d’une mission secrète.

— Et Rastignac, demanda vivement Bricheteau, ne vous a pas fait connaître le contenu de la dernière lettre de votre mère ?

— Il ne m’a spécifié le contenu d’aucune.

— Il ne vous a pas dit que tous nos projets d’ambition étaient à vau-l’eau, que le docteur Francia était mort, que votre mère, retenue prisonnière par son successeur, était sans cesse tourmentée par des demandes d’argent venues du marquis de Sallenauve qui, à Montevideo, se livre plus frénétiquement que jamais à la passion du jeu ?

— Alors, remarqua Sallenauve, cet homme a pu s’aboucher avec M. de Trailles, commettre quelques indiscrétions, car vous avez dû vous ouvrir à lui au moins dans une certaine mesure.

— C’est évident, s’écria Bricheteau, Maxime a prévenu Rastignac, qui, soupçonnant entre mes mains quelques preuves, aura fait commettre ce vol. Alors toutes les circonstances s’expliquent, et rien n’est encore perdu ; je sais un adversaire avec qui le commettre.